La pluie n’aura pas empêché des milliers de personnes d’être présentes à l’unique rendez-vous proposé par Richard Desjardins et l’Orchestre symphonique de Trois-Rivières, à l’Amphithéâtre Cogeco. Après y avoir vu tous les spectacles hommage à grand déploiement du Cirque du Soleil, depuis 5 ans, j’étais curieux de découvrir comment les chansons du poète rouynnorandien allaient se frayer un chemin dans cet immense espace.
Toujours filiforme, l’auteur-compositeur-interprète s’avance sur scène, où plus de 40 musiciens l’attendent. Avant même de chanter, il offre un avant-goût de son humour mordant sur le thème de l’immigration, avec une raillerie qui semble concerner le président Trump : ton chocolat est belge et ta vodka est russe, pis t’es surpris que tes voisins viennent d’ailleurs, lance-t-il, déclenchant un premier éclat de rire dans l’assistance. Musicalement, toutefois, le départ aura été plutôt lent; le septuagénaire a eu besoin de quelques chansons pour trouver ses marques, lisant ses paroles sur des feuilles qui avaient tendance à partir au vent. Après quelques mots perdus dans l’amplification, durant les premières pièces, on a su trouver l’équilibre, entre la voix et l’orchestre.
«Le bon gars», qui swingue à la Gershwin
Mis à part quelques nouveautés dont une chanson en italien, les titres sont essentiellement ceux du «Desjardins symphonique» auquel j’ai assisté en 2004, à Montréal, avant de revoir le concert au Grand Théâtre de Québec. «Le coeur est un oiseau», «Akinski», «Notre-Dame des scories», «Sahara Lumber», etc., les chansons demeurent puissantes et les somptueuses ochestrations de Gilles Bellemare aussi. Entre autres, «Le bon gars», qui swingue à la Gershwin, aura soulevé la première ovation de la soirée.
Toujours un peu provocateur, Desjardins lance quelques flèches au chanteur Daniel Bélanger et à l’ex-maire Lévesque de Trois-Rivières. Sur un ton plus sérieux, il dénonce les bandits à cravates et les saccageurs de la planète, mais revient toujours à sa gratitude envers la vie, l’amour et la beauté. Cet amalgame d’insoumission, d’envolées poétiques et symphoniques n’est pas sans rappeler un certain Léo Ferré. Bref, Desjardins est un phare et sa lumière brillait à sa pleine mesure sur cette scène érigée au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve Saint-Laurent.
«Un merci grand comme la mer. Oh Jenny! comme la mer.» Ces mots avaient une telle résonance en ces lieux majestueux ! Bravo au chef Bellemare et ses musiciens, de même qu’aux techniciens qui ont permis au chanteur de simplement murmurer sa déclaration d’amour à «Jenny», sans qu’on perde un mot. Tout autre registre avec cuivres et percussions pour «Liberté ! Liberté ! Liberté !», dans «Le coeur est un oiseau». Les spectateurs de tous âges écoutaient religieusement, sachant bien que pareils moments ne passent pas souvent. C’était comme si le temps s’arrêtait ! Alors, quand ce virtuose des émotions a livré son emblématique «Tu m’aimes-tu», plusieurs ont spontanément répondu : «on t’aime Richard!»
«On recule jamais!»
Enjoué, notre homme entonne «Un beau grand slow»; passant de la parole aux actes, il invite une violoniste à danser avec lui, pendant que l’orchestre joue. «Un beau grand slow collé», prolongé avec la complicité de maestro Bellemare. Puis, avant d’offrir «Jenny» une deuxième fois (et oui!), en ultime rappel, Desjardins glisse un mot sur L’action boréale, une association qui lutte pour la sauvegarde de la forêt. «On n’a pas de subventions et on n’en veut pas. Y’en a qui trouvent peut-être qu’on n’avance pas vite, mais on recule jamais!»
Comme l’artiste n’est pas du genre à revenir sur ses décisions, sachez qu’il n’est pas question d’autres représentations de «Desjardins symphonique». Mais, on peut écouter l’album enregistré, sous la direction de Gilles Bellemare, lors de la création du concert dont on souligne, cette année, le 15e anniversaire.
Desjardins symphonique
Richard Desjardins, accompagné de l’OSTR, sous la direction de Gilles Bellemare
Amphithéâtre Cogeco, 28 août
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