Samedi (14 décembre), 13h 30, des centaines de personnes convergent vers le Théâtre St-Denis pour Mamma Mia! représentation de 14h. En effet, ça marche si fort, qu’on multiplie les supplémentaires, offrant même deux spectacles par jour, à plusieurs dates, d’ici le 29 décembre. On a d’ailleurs vendu plus de 75 000 billets, jusqu’à maintenant, pour cette comédie musicale adaptée et mise en scène par Serge Postigo, réunissant une trentaine d’artistes dont Joëlle Lanctôt (Mary Poppins), Romane Denis (Les pays d’en haut), Eloi ArchamBaudoin (District 31) et Hubert Proulx (Unité 9).
Comment sonnent les chansons d’ABBA en français ?
Or, après quelques semaines à l’affiche au Théâtre St-Denis, voilà que les détenteurs des droits de cette comédie musicale exigèrent que les chansons d’ABBA soient traduites en français. L’agence en cause, Music Theatre international, est d’avis qu’il est plus facile de suivre l’histoire de Mamma Mia ! lorsque les chansons sont entonnées dans la même langue que les dialogues.
Comme l’équipe de Juste pour rire s’y attendait, on avait préparé deux versions du spectacle, soit l’une avec les chansons qui demeuraient en anglais, et l’autre où elles étaient traduites en français. C’est ainsi que I Have a Dream est devenue Un rêve en moi, alors que The Winner Takes It All a été rebaptisée Le vainqueur à tout prix.
Postigo lui-même craignait que ça puisse «sonner faux». Qu’en est-il ? Et bien, disons que ces grands classiques pop entendus des milliers de fois dans la langue de Shakespeare perdent un peu de leur magie en français. Mais, en général, on s’en sort en gardant le titre original, comme par exemple «Money money money», «Chiquitita», ou «Super trouper». Ces mots sont si souvent répétés qu’on reconnaît instantanément les chansons, qui pour le reste sont interprétées en français.
Dans d’autres cas comme Le vainqueur à tout prix (The Winner Takes It All), c’est plus laborieux. Par surcroît, cette chanson de reproches adressés au personnage de Sam (ArchamBaudoin) est interprétée très dramatiquement par Joëlle Lanctôt, en Donna qui vient pourtant de se vanter de ne pas avoir besoin d’homme dans sa vie.
Le sexisme autorisé
Faut-il rappeler que les chansons d’ABBA n’ont pas été écrites pour cette comédie musicale ? C’est plutôt la Britannique Catherine Johnson qui a décidé de les utiliser pour raconter l’histoire de Donna et de sa fille Sophie qui est sur le point de se marier et veut que son père la conduise à l’autel.
Cependant, elle ignore qui est son père parmi trois anciens amants de sa mère qu’elle décide d’inviter aux noces. Il en résulte de nombreuses longueurs pour arriver à intégrer les chansons à ce récit souvent hargneux. Entre autres, la scène de Donna qui retrouve ses amies dans leur chambre au premier acte me paraît très longue !
Plus encore, il y a de nombreuses scènes d’un sexisme à faire dresser les cheveux, dans cette Mamma Mia! où les femmes peuvent gifler un homme, le tirer par les cheveux, le jeter par terre et poser un pied sur sa poitrine pour le maintenir au sol, après quoi il suivra servilement son assaillante en marchant à quatre pattes comme un chien.
Et le public rit et applaudit ! Imaginez si des femmes étaient ainsi ridiculisées ! On crierait au sexisme, avec raison, mais lorsqu’il s’agit d’hommes, on se permet des grossièretés sans que ne broche la police de la bien-pensance.
Quant au rôle du père, il est complètement banalisé. Puisque Donna ne sait pas lequel est le père de sa fille, les trois hommes se disent fiers d’être le tiers du papa de Sophie. Enfin, cette dernière décide unilatéralement, devant l’autel même, d’annuler le mariage; son conjoint, bien sûr, n’a pas un mot à dire là-dessus. Et dire que personne n’a même souligné ces énormités !
Surtout pour la musique, les chorégraphies et les projections
Cela dit, les musiques, sous la direction de Guillaume St-Laurent, demeurent l’un des principaux attraits de ce spectacle, où la magie s’installe surtout durant les chorégraphies de Steve Botton. D’ailleurs, il m’a semblé que le moment où l’on s’amuse le plus est durant le rappel où Mamma Mia, Dancing Queen et Waterloo, sont livrées dans leur version originale anglaise et portées par des danseurs endiablés. Très réussies également les projections vidéo de Lüz Studio qui donnent à penser que nous sommes bel et bien sur l’île grecque où se déroule l’action.
Mamma Mia!
Mise en scène et adaptation de Serge Postigo
Chansons du groupe ABBA interprétées en français par Joëlle Lanctôt, Romane Denis, Eloi ArchamBaudoin, et Hubert Proulx, notamment.
Au Théâtre St-Denis, jusqu’au 29 décembre.