L’esprit du peintre québécois Jean-Paul Riopelle et sa passion pour les oies sauvages ont envahi la salle Wilfrid-Pelletier, ce soir, pour la toute première représentation de Riopelle symphonique. Cette création de Serge Fiori et Blair Thomson réunit près de 140 artistes sur scène. L’Orchestre symphonique de Montréal, le Chœur des Petits Chanteurs de Laval et le chœur Temps Fort, sous la direction d’Adam Johnson, interprètent cette oeuvre puissante en cinq mouvements. La musique et l’environnement visuel font écho aux grandes périodes de la vie de Riopelle, artiste de renommée internationale, décédé en 2002 et qui aurait eu 100 ans en 2023.
Des tableaux racontés en musique
Dès notre arrivée dans la salle, on aperçoit des musiciens de l’orchestre derrière un rideau noir partiellement ouvert. Cette ouverture s’agrandira progressivement au son de la musique du Premier acte qui évoque la jeunesse de Riopelle et la gestuelle fulgurante de ses premières aquarelles. L’effervescence des années 1930 et 1940 est traduite par des sons qui «font des zooms avant et arrière», pour emprunter les mots du compositeur.
Grâce à un ingénieux assemblage d’écrans de dimensions et de configurations diverses, qui évoquent les formats des toiles du maître, le public voit apparaître, entre autres, le Hibou premier de la collection du Musée national des beaux-arts du Québec. Durant tout le concert, des oeuvres splendides de Riopelle défilent devant nous sous différents angles, grâce à la minutieuse conception visuelle de Marcella Grimaux.
L’un des écrans indique le titre du mouvement et la période à laquelle il correspond. On peut aussi lire quelques citations, notamment, du Refus global, un manifeste artistique publié en 1948 et dont Riopelle était l’un des signataires. Cette publication remettait en question les valeurs traditionnelles de la société québécoise de cette époque.
Cela dit, on entend la voix de Riopelle entre les mouvements musicaux, grâce à des extraits d’entrevue où l’artiste résume sa démarche artistique, avec son franc-parler et son esprit vif.
Au deuxième acte, c’est la grande envolée puisqu’on passe aux années 1950, alors que l’artiste montréalais possède enfin son propre atelier parisien à Montmartre. Ici, les accords introduits par l’orchestre et le chœur sont des variations de deux pièces de Fiori : La moitié du monde et La Vague. Les syllabes chantées par le chœur sont basées sur des mots sanskrits. Elles annoncent, en quelque sorte, les mantras qui seront chantés en sanskrit, au cours du dernier mouvement de l’oeuvre.
Changement marqué de tempo qui ralentit au troisième acte avec un piano aux accords presque jazzy. Durant cette pièce, on entendra, entre autres, un steel drum jamaïcain et divers instruments métalliques, ce qui se veut un clin d’oeil aux sculptures de Riopelle. La pièce L’étrange a servi de point de départ à ce mouvement.
Au quatrième acte, Thomson a voulu mettre en musique la fascination de Riopelle pour les oies sauvages et l’immensité de la nature, en s’inspirant des mélodies de La moitié du monde et Si bien.
En tout, sept pièces écrites par Fiori, au fil des ans, en dehors du répertoire d’Harmonium, ont servi de points de départ à Riopelle symphonique. Blair Thomson s’est employé à «déconstruire» ces musiques pour créer une oeuvre à part entière. Thomson nous avait déjà conquis avec ses arrangements symphoniques des chansons de 12 hommes rapaillés sur des textes de Gaston Miron. Cette fois-ci, il se dépasse et nous donne la pleine mesure de son talent de compositeur.
Riopelle symphonique est un voyage envoûtant, où l’on perd la notion du temps, comme Riopelle lui-même lorsqu’il peignait. La musique et les tableaux visuels deviennent un tout! À cette rencontre onirique s’ajoute une touche de folie : même le veston de maestro Johnson évoque l’oie sauvage si chère à Riopelle, grâce au savoir-faire de la designer Marie Saint Pierre.
Enfin, on ne remerciera jamais assez l’audacieux producteur et président de GSI Musique, Nicolas Lemieux. Après Harmonium symphonique, ce fonceur hors du commun réussit un autre coup de maître en nous révélant un compositeur doué, à travers la rencontre d’un géant des arts visuels et d’une icône de la musique québécoise. Chapeau !
Riopelle symphonique
Création musicale : Blair Thomson et Serge Fiori
Orchestration et arrangements : Blair Thomson
Avec : l’Orchestre symphonique de Montréal / Choeur des Petits Chanteurs de Laval et le chœur Temps Fort
Direction d’orchestre : Adam Johnson
Mise en scène : Marcella Grimaux (Noisy Head)
Salle Wilfrid-Pelletier : 16, 17 et 18 février
Riopelle symphonique sera aussi présenté au Grand Théâtre de Québec, avec l’Orchestre symphonique de Québec les 8 et 9 septembre 2023






























































