On dit parfois qu’il n’y a pas de petits voyages, car le simple fait de changer d’air peut transformer le voyageur. C’est dans cet esprit que le dramaturge Thomas Gionet-Lavigne donne la parole à quatre Québécois trentenaires qui vont passer quelques jours sur les plages du Maine. Ces âmes esseulées cherchent tout simplement à chasser leur ennui mais, le soleil, le sable chaud et le désir les entraînent sans doute bien plus loin que ce qu’ils avaient prévu. Un quatuor parfois grinçant, parfois romantique et souvent comique…

Crédit: Sébastien Boucher Mr. Dark Photography
Avant même que le spectacle commence, Éric (Jean-René Moisan), travailleur social, et Philippe (François-Simon Poirier), comptable chez Desjardins, jouent au ballon sur la scène de la Licorne, transformée en plage où trône l’incontournable glacière pour les bières. Les deux copains feront la rencontre de Annie (Myriam DeBonville), restauratrice et Marie-Pascale (Milène Leclerc), policière.
Chacun est amené à parler de son travail et à révéler plus ou moins volontairement ses rêves, ses déceptions, ses angoisses et souvent avec des mots crus. François-Simon Poirier est hilarant dans les scènes où son personnage sort de ses gonds. Récemment abandonné par son amoureuse, l’homme est en remise en question profonde et il se demande si la comptabilité est véritablement un domaine qui lui convient.
Encore meurtri par sa rupture amoureuse, il résiste un peu aux avances de Annie qui prétexte que la nuit est fraîche pour pouvoir se coller sur lui afin de se réchauffer. Myriam DeBonville joue cette scène, entre autres, avec une douceur émouvante.
De son côté, Jean-René Moisan incarne avec justesse l’ambivalence de celui qui clame que la liberté est dans le célibat, tout en confessant son besoin d’amour. Après une nuit passée avec la policière, celle-ci rayonne de bonheur et lui demande s’il est satisfait lui aussi. Mais, Éric répond non et il explique pourquoi.
C’est rarissime qu’un auteur s’intéresse à la satisfaction sexuelle d’un personnage masculin et ce n’est pas là la seule audace de Gionet-Lavigne qui s’était déjà attiré des critiques élogieuses avec sa pièce Basse-ville à la Petite Licorne, en 2019. L’habile dramaturge libère une parole masculine souvent muselée, alors qu’Éric tente de consoler Philippe en lui disant que son ex-compagne ne le méritait pas. Avouons que pareille vérité est si peu souvent exprimée qu’on finit par croire que toutes les femmes méritent leur homme… et pourtant…
Quant à Milène Leclerc, elle est au coeur d’un des meilleurs moments du spectacle avec son naturel désarmant qui fait résonner des paroles d’espoir bien senties, au milieu de la nuit:
« Tout a un sens. Faut juste faire confiance à queque chose. À quoi? J’sais pas. Quelque chose de plus grand que nous. Queque chose qui nous dépasse. Queque chose qui nous échappe… malgré nous… J’sais pas c’est quoi ce queque chose-là – appelle ça le timing, le hasard, le destin, le karma, ou Dieu – mais j’sais que ça existe.»
Pour une fois, filles et garçons s’apprivoisent sans envolées moralisatrices et malgré le désenchantement, l’optimisme triomphe à travers les mots de cette policière rêveuse:
«La vie est ben faite. Le monde est ben faite. Les choses finissent par arriver. Si t’es patient… Si t’es accueille…Si t’es… acceptes… Sti qui est beau le cerf-volant… Sti qui est beau…»
Quant à la scène finale, que nous ne divulgâcherons pas, elle est d’une simplicité et d’une délicatesse presque hypnotisante!
En résumé, la mise en scène est simple et le décor fait sourire avec, entre autres, son nuage rose suspendu au plafond. Cela suffit à ces quatre comédiens pour nous transporter dans l’esprit de leurs amours d’été, grâce au texte pétillant d’un auteur dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Old Orchard
Texte et mise en scène: Thomas Gionet-Lavigne
Avec: Myriam DeBonville / Milène Leclerc / Jean-René Moisan / François-Simon Poirier
À la Licorne, jusqu’au 8 avril
*Crédit photo: Sébastien Boucher Mr. Dark Photography






























































