Danse Danse termine la saison avec l’une des plus ambitieuses productions, à ce jour, du chorégraphe québécois d’origine américaine Victor Quijada, dont la compagnie Rubberband conjugue la danse de rue au ballet classique. Les 12 interprètes de Reckless Underdog dansent sur des musiques des montréalais Chilly Gonzales, Kid Koala et Vlooper d’Alaclair Ensemble, retravaillées par Jasper Gahunia. Apprécié du public montréalais depuis de nombreuses années, Quijada a d’ailleurs répondu avec enthousiasme aux questions des spectateurs, après la première montréalaise qui avait lieu ce soir au Théâtre Maisonneuve.
Une chorégraphie métissée
Reckless Underdog est une chorégraphie en trois temps que Quijada résume ainsi: «Le premier acte, inspiré du ballet classique, se déroule dans un environnement mécanique lumineux où sont redéfinies les règles du pas de deux. Le second déconstruit la pratique du break cypher dans une atmosphère sombre et oppressante. Enfin, le dernier acte déforme les codes théâtraux dans une approche abstraite, minimale, colorée et résolument expérimentale.»
Cela dit, le spectacle de 70 minutes se déroule sans pause et les transitions d’un style à l’autre sont parfois un peu brutales. On comprend que le chorégraphe veut ainsi célébrer le travail accompli par Rubberband qui, à travers ses spectacles, a construit des ponts entre la culture hip-hop, la danse contemporaine et le ballet. Mais, il n’en reste pas moins que le spectateur cherche souvent en vain un fil conducteur à cette chorégraphie.
Ajoutons à cela que la trame sonore écorche parfois les oreilles! Question de mix? De niveau d’amplification? Lors de la rencontre avec le public, en fin de soirée, une spectatrice a demandé s’il était normal que le son se coupe durant la diffusion de la musique de Chilly Gonzales. Le chorégraphe lui a répondu que c’était bel et bien sa volonté, pour établir clairement qu’il s’agit d’un enregistrement qu’on a remanié. Mais, quelles que soient les intentions, cet effet de coupure du son n’aide pas le spectateur à entrer dans l’univers de Rubberband.
Cela dit, il est fascinant de voir que, même après toutes ces années, Quijada et son équipe demeurent des passionnés qui cherchent toujours à faire avancer leur art.
Le dramaturge Mathieu Leroux a d’ailleurs admis qu’on a apporté d’importantes modifications à la bande sonore, à quelques heures de la grande première!
Encore une fois, bravo à Danse Danse de permettre au public de rencontrer les créateurs des spectacles à l’affiche.
C’est ainsi qu’une toute jeune fille a pu demander à Quijada lui-même comment on devient un danseur de Rubberband.
«Il n’y a pas d’audition traditionnelle», a répondu le chorégraphe. «En fait, nous sommes plus une tribu qu’une compagnie. Nous travaillons avec les artistes avec lesquels nous avons le plus d’affinités et qui nous apparaissent comme des révélations.»
Rayonnement international
Rubberband a fait sa marque dès 2004 avec Slicing Static, nommée meilleure production de danse par le journal Hour (Cult MTL). De 2007 à 2011, la compagnie est accueillie en résidence par la Cinquième Salle de la Place des Arts. Quatre œuvres y seront créées dont Loan Sharking (2009) et Gravity of Center (2011). Parallèlement, la compagnie a soutenu la relève par des projets d’initiation, comme le Post-Hip-Hop Project, qui aura permis à une vingtaine d’artistes émergents de la scène hip-hop de vivre une première expérience de création et de diffusion dans un cadre professionnel.
Rubberband s’est produit aux États-Unis, en Hollande, en Belgique et en Angleterre, ainsi qu’au Japon pour représenter le Canada lors de l’Exposition universelle en 2005. Victor Quijada est récipiendaire, entre autres, du Prix Rayonnement international de l’Assemblée canadienne de la danse (2012) et du Prix de la danse de Montréal – Prix de la diversité culturelle en 2019. Le spectacle présenté, cette semaine à la Place des Arts, est en quelque sorte le point culminant de toutes ces années de recherche et d’expérimentation de la «méthode Rubberband».
Reckless Underdog de Rubberband
Chorégraphie de Victor Quijada avec 12 danseurs
Au Théâtre Maisonneuve, du 12 au 15 avril