Après avoir fait grande impression, lors du spectacle Parapapam aux côtés de Patrick Bruel et Mario Pelchat, en décembre dernier, le chanteur Vladimir Kornéev présente un concert très original, en hommage à Édith Piaf. Avec sa voix de baryton et ses talents d’acteur, il raconte le parcours tortueux de «la môme», en faisant certains parallèles avec sa propre vie qui n’a pas été un long fleuve tranquille. Surdoué, le trentenaire polyglotte a déjà gravé plusieurs disques, dont un duo avec Ginette Reno. Il s’est produit sur de nombreuses scènes européennes. On l’a aussi vu jouer un tsar russe, dans la série Empress, sur Netflix. Bref, c’est un artiste complet qui fait revivre la plus célèbre chanteuse française de tous les temps, à la Place des Arts.
L’art de raconter en musique
Mon Dieu, La vie en rose et L’Hymne à l’amour, interprétées par une voix masculine, c’est plutôt rare! Vladimir Kornéev réussit son pari, entre autres, grâce à sa voix! Étendue vocale spectaculaire! De la puissance à revendre! Aussi, sa technique de respiration lui permet de tenir une note aussi longtemps qu’il le désire. Fabuleux!
En pleine possession de ses moyens, il nous donne l’impression de s’amuser à travers ses effets vocaux qui ajoutent une dimension fascinante aux chansons de Piaf. Par exemple, son interprétation de Milord se termine en évoquant un cabaret jazz, sur plusieurs mesures de scat endiablé! Plus encore, sa gestuelle expressive contribue à nous plonger dans cet univers sordide où «une fille du port» invite Milord à s’asseoir à sa table. À la fois drôle et bouleversant!
Précédée de courtes explications, les chansons deviennent, en quelque sorte, des sketchs qui racontent la vie de Piaf. Tout s’enchaîne harmonieusement.
Après s’être glissé quelques instants dans la peau de Louis Leplée, homosexuel notoire et directeur de salle de spectacle connu pour avoir découvert Piaf, Kornéev interprète Comme ils disent. On doit d’ailleurs cette chanson sur les tabous de l’homosexualité à Charles Aznavour qui a été un proche de Piaf. Tout se tient!
Alors que «la môme» a vécu en chantant dans les rues, Kornéev raconte que la musique a joué un rôle important dans son équilibre personnel, lui qui a connu la pauvreté. Issu d’une famille de Géorgie, ex-république de l’Union soviétique, il est arrivé en Allemagne à l’âge de 7 ans, en tant que réfugié. Malgré tout, il a pu rapidement commencer à jouer du piano.
La vie en Piaf repose aussi, en bonne partie, sur le savoir-faire du pianiste, Stéphane Aubin qui s’est distingué, au cours des dernières années, avec une série de concerts en hommage à André Gagnon.
Après l’entracte, on se dirige inévitablement vers un drame marquant de la vie d’Édith Piaf, soit, la mort de son amant, le boxeur Marcel Cerdan qui a péri dans un écrasement d’avion. Kornéev raconte ce choc à travers son interprétation de C’est peut-être ça, théâtralisée avec justesse. Frissons!
Le chanteur ajoute qu’il a lui aussi perdu un amour dans des circonstances tragiques et qu’il a appris la nouvelle peu avant un spectacle qu’il donnait à Munich. Cette épreuve lui a inspiré la chanson Avancer qui exprime le désarroi des endeuillés, mais surtout la force intérieure qui permet de vivre, malgré la douleur de l’absence.
En plus d’être auteur et compositeur, notre homme est un remarquable pianiste. Il a même joué quelques mesures du premier concerto pour piano de Rachmaninov, en guise d’introduction à Non, je ne regrette rien.
Cependant, le chanteur se permet des libertés dans ses relectures, en s’éloignant parfois considérablement des mélodies originales. Il est pourtant risqué d’essayer de réinventer ces refrains gravés dans nos mémoires. C’est ma seule réserve au sujet de ce concert qui demeure fascinant du début à la fin.
Au rappel, il soulève l’assistance avec sa vibrante interprétation d’Un peu plus haut de Jean-Pierre Ferland avant de conclure, comme il se doit avec le titre qui semble résumer la vie de celle à qui il rend hommage : Non, je ne regrette rien.
Bien loin de ces chanteurs et chanteuses qui s’époumonent pour démontrer qu’ils ont de la voix, Vladimir, lui, mise sur la diversité de ses moyens. Il sait raconter avec une grande intelligence du texte et une prononciation en français charmante! Il a une présence scénique de tous les instants! Et, oui, il a du coffre! Avec cette audacieuse combinaison de talents et d’originalité, Kornéev chante Piaf comme on ne l’a jamais entendue !
Deux autres représentations du spectacle La vie en Piaf sont offertes en cette semaine de la Saint-Valentin.
Vladimir Kornéev – La vie en Piaf
Pianiste: Stéphane Aubin
Direction artistique : Lionel Lavault, Vladimir Kornéev
À la Cinquième Salle de la Place des Arts
Les 13 et 14 février à 19h / Billets