Sous la baguette de Francis Choinière, qualifié de « grand coloriste » par Christian Thomas, le concerto pour pipa et orchestre « Dragon » fera sa première mondiale le 30 janvier 2025 à la Maison symphonique.
Imaginez un dragon, créature mythique, s’éveillant aux sonorités d’un orchestre symphonique. C’est l’expérience unique que propose Dragon le tout nouvel album de l’Orchestre FILMharmonique. Ce concerto pour pipa et orchestre est une première mondiale composée par Christian Thomas et interprétée par la virtuose chinoise Liu Fang. Cette musique nous transporte dans un univers où les traditions orientales et occidentales se rencontrent de manière envoûtante.
Aujourd’hui j’ai eu le grand plaisir de parler avec Christian Thomas, qui me racontait la naissance de cette album et son parcours musical.
Jacqueline: Dragon est un album méditatif, c’est très cinéma… on peux imaginer des histoires et paysages avec cette musique. Comment a commencé cette collaboration avec Liu Fang ?
Christian: Ça fait au moins quatre ans que je connais Liu Fang. Une amie m’a emmené voir cette virtuose du pipa à la Salle Bourgie à Montréal. Le pipa, avant d’être un instrument soliste extrêmement puissant, c’est un instrument de chambre, un instrument qui gagne à être amplifié.
Dans son pays elle donne des concerts, qui ne nécessitent pas d’amplification car ces concerts sont réservés à une toute petite assistance. Elle joue devant des nobles, devant des gens qui souhaitent un concert privé et qui se conjuguent avec tout un rituel, une spiritualité.
Alors, moi, je l’ai connu dans ce contexte, avec une assistance d’au moins 300 personnes et elle était seule en scène. J’ai immédiatement été touché par son immense talent, sa sensibilité, ça me faisait aussi rêver parce qu’il y avait beaucoup de poésie dans l’art de toucher cet instrument et beaucoup de volonté à transmettre la passion de son art. Je pouvais déjà dire que son art était un véritable engagement. Et ça m’a beaucoup interpellé.
Suite à cette première écoute, on est allé chez une amie commune qui nous a reçu avec quelques amis de Liu Fang pour un dîner. Ce fût notre première rencontre autour d’une table, et puis on a eu l’occasion et le privilège d’échanger sur nos visions réciproques. Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’étincelle!
Jacqueline : Est-ce que tu peux parler de ton parcours?
Christian : Mon parcours, c’est beaucoup de choses. C’est des études au Conservatoire de musique de Québec, ensuite au Conservatoire de musique de Strasbourg, en France. J’ai habité au moins cinq ans de ma vie en Europe, à faire des tournées en tant que pianiste en France, en Suisse, en Belgique, à Monte-Carlo.
À Monaco, j’ai chanté, à l’opéra de Monaco, j’ai joué dans une comédie musicale « La vie en Bleu » l’histoire de la vie du peintre Pablo Picasso, dirigée par l’acteur et metteur en scène Robert Hossein.
Comme vous le savez sans doute, j’ai énormément travaillé au théâtre ici et ailleurs composant la musique pour près de deux cents productions théâtrales. Ce qui m’a amené à écrire un opéra présenté en 2023 à l’opéra de Québec avec onze interprètes en art lyrique et Les Violons du Roy.
J’ai écrit mon premier opéra Messe solennelle pour une pleine lune d’été et écrit aussi mon premier livret, à partir du texte de Michel Tremblay, notre grand auteur national. Ce qui pour moi constitue l’aboutissement de ma carrière de compositeur au théâtre à ce jour.
Pour moi, la musique n’a pas vraiment de frontières. Je voulais aussi, par cette création, briser encore une fois la frontière qui peut exister entre toutes les formes d’art. Ça me vient d’un intérêt profond pour l’art sous toutes ses formes. Je peux être cartésien lorsque c’est nécessaire de l’être, mais je suis aussi une personne intuitive qui adore prendre des risques artistiques et j’ai cette curiosité naturelle qui me pousse à découvrir la musique des autres cultures.
Jacqueline : Comment avez-vous commencé à imaginer cet album ?
Christian: L’idée première était de faire un concerto avec orchestre pour le pipa et le violoncelle. Je me suis donc mis à l’oeuvre en créant un premier extrait avec pipa, violoncelle et orchestre qui au cours du temps et à la demande de la production est devenu un concerto pour pipa solo et orchestre seulement.
Liu Fang notre grande virtuose n’avait jamais eu un concerto écrit spécialement pour elle et apparemment le mien allait devenir le premier concerto occidental pour pipa et orchestre!
Le pipa, c’est intéressant parce que c’est un instrument très très ancien, qui serait comparable au luth en occident. Et pour ajouter du caractère chinois à l’ensemble orchestral, je suis allé chercher des sonorités asiatiques dans les percussions, telles que celles du taiko japonais et gong chinois.
J’ai alors soumis des partitions et maquettes à Liu Fang et à mon amie la productrice Lily Luo, toutes deux furent très heureuses de découvrir l’univers qui s’en dégageait et j’ai continué à écrire le concerto que j’ai finalisé à l’été 2024, sachant bien que l’année actuelle était justement l’année du dragon.
D’où mon intérêt d’avoir une allégorie pour construire mon concerto. Je me suis dit, je vais écrire une histoire qui raconte l’histoire d’un dragon, dès sa naissance, jusqu’à ce qu’il devienne le dragon empereur. Et ce récit, servira de base à l’écriture de mon concerto. J’ai décidé de m’appuyer sur cette allégorie pour construire les quatre mouvements de concerto.
J’ai élaboré mon concerto sur un scénario qui me permettrait aussi de pénétrer davantage l’univers asiatique et de me rapprocher d’un symbole qui leur est très cher. Je suis heureux de cette fusion musicale occident-orient, et espère que les asiatiques se reconnaîtront dans cette stylistique!
Jacqueline : Le dessin de l’album est très joli. Est-ce que tu peux me parler de l’artiste qui a conçu la pochette ?
Christian: C’est la productrice Lily Luo qui a fait appel à l’artiste Yuxuan Kong. Elle lui a parlé de mon histoire du dragon, c’est elle qui a conçu la pochette d’après mon récit. J’aime beaucoup ce qu’elle en a fait aussi, parce qu’il se dégage énormément de douceur dans le visuel, souvent en occident on a une conception nord-américaine du dragon plus menaçante, alors que les asiatiques voient dans le dragon, un protecteur, contre les inondations ou sécheresses et un gardien de l’immortalité…
Jacqueline: Merci Christian, l’album est sublime.
Maison symphonique Montréal
Écouter – Concerto pour pipa et orchestre « Dragon »
Crédit : Catherine Lefebvre