Les musicien(ne)s de l’Orchestre symphonique de Montréal ont tenu un solide pari d’offrir avec constance des œuvres nouvelles toute l’année musicale: sous le bâton du chef Rafael Payare, tous en tenue de gala avec nœud papillon ou robe d’apparat, mercredi soir 28 mai, tous nos musicien(ne)s ont ainsi mis un brillant terme à leur captivante saison 2024-2025 avec ce savoureux Das Lied von der Erde de Gustav Mahler et aussi deux autres créations mondiales audacieuses.

Ian Cusson, Elisabeth St-Gelais, Emma Pennel, Ana Sokolovic
Trois compositeurs ont offert ces deux premières autochtones en création mondiale soit You can die properly now issu du couple créatif comportant la musicienne montréalaise d’origine serbe Ana Sokolovic appuyée par Michelle Sylliboy (patronyme souriant qui se traduit en français par « garçonnet inconvenant » avec une pointe d’humour sans doute un peu comme on mâche de la gomme sur scène et dans la salle pour se détendre et alléger l’atmosphère) puis une seconde œuvre signée Ian Cusson celle-là intitulée Un cri s’élève en moi que les soprani Emma Pennell et Elisabeth St-Gelais ont solennellement interprétée avec une intense émotion.
Un Chant de la Terre rempli d’humour et de haute poésie
En seconde partie de programme le ténor Nikolai Schukoff et la mezzo-soprano Michelle DeYoung ont tenu le texte musical à hauteur coquine et inspirée tel que le texte original le suppose en allemand (l’original manquait au programme).
La projection nous permettait cependant de le saisir via deux traductions françaises et anglaises postées au-dessus de la section vide du chœur qui devaient, en intersections de sens démultipliés, recouper celui souhaité par Mahler qui avait jadis remanié les poèmes traduits du chinois par le jeune poète Hans Bethge.
Un magnifique texte de Natasha Kanapé Fontaine
Pour ma part, j’ai été sincèrement ému et ébloui par le texte en langue française nullement offert in extenso dans le programme, mais chanté avec netteté sur la belle musique d’Ian Cusson: ce furent des phrases imagées de radieuse composition inspirée par l’auteure Natasha Kanapé Fontaine.
Tout nouveau pour moi et d’un grand intérêt — bien au-delà des polémiques — fut aussi l’autre œuvre autochtone baptisée You Can Die Properly Now notamment en son originalité musicale et l’intention politique manifestée d’y attester d’un deuil ayant cours en Nouvelle-Écosse.
Ce serait là où des ossements humains déterrés autour de couvents et d’anciennes écoles ont jeté l’émoi mais surtout d’intimantes accusations portées contre les systèmes scolaires fédéraux y compris ceux des Congrégations qui ont longtemps œuvré dans ce coin reculé du grand pays aujourd’hui appelé le Canada.
La directrice générale Mélanie La Couture, cheffe à la Direction générale, a eu raison en début de soirée d’exprimer au public assemblé ses réjouissances suite à cette riche saison musicale souvent jouée en salle comble (et comblées). Nous nous rallions tous d’entrevoir avec optimisme les concerts d’été à Lanaudière, la populaire Virée classique du mois d’août prochain et, bien entendu, la preuve de l’engouement réside en ces ventes excellentes déjà en cours pour la saison prochaine.
N.B. Nous avons eu droit, en ouverture, à une cérémonie innue du tambour qui a souligné la portée symbolique de l’événement de ces créations mondiales. Comme instrument sacré, le tambour reste au cœur de plusieurs traditions spirituelles et culturelles des peuples autochtones. L’innu Charles-Api Bellefleur a donc fait entendre le teueikan innu, avec ses pulsations profondes invitant au recueillement, à la réflexion et à l’écoute.

Artistes
Rafael Payare, direction
Michelle DeYoung, mezzo–soprano
Nikolai Schukoff, ténor
Elisabeth St-Gelais, soprano
Emma Pennell, soprano
Œuvres
Ana Sokolović (musique) et Michelle Sylliboy (livret) You can die properly now, pour soprano et orchestre, création mondiale – Commande de l’OSM (5 min)
*Oeuvre canadienne
Ian Cusson (musique) et Natasha Kanapé-Fontaine (livret) Un cri s’élève en moi, pour soprano et orchestre, création mondiale – Commande de l’OSM (10 min)
*Oeuvre canadienne
Entracte (20 min)
Gustav Mahler, Das Lied von der Erde [Le chant de la terre] (63 min)
Photos : Gabriel Fournier































































