La saison musicale de la programmation de la Salle Bourgie s’est conclue le 6 juin avec un concert des Violons du Roy offrant un programme de musique baroque française dédié surtout à Jean-Philippe Rameau, le tout sous la direction du jeune chef Nicolas Ellis.
Voici donc venu le temps des festivals d’été en attendant que mon retour à la Salle Bourgie se concrétise, car il aura lieu vraisemblablement le jeudi 2 octobre avec la remarquable venue du solide pianiste Leif Ove Andsnes dans Liszt, Beethoven et Schumann.
Rameau et la Querelle des Bouffons
Chaque fois que surgit le nom du valeureux compositeur français Jean-Philippe Rameau, auteur de traités d’harmonie lus avec ferveur par Jean-Sébastien Bach lui-même, je me souviens de ma juvénile passion purement littéraire pour Jean-Jacques Rousseau, l’auteur des articles sur la musique de l’Encyclopédie de Denis Diderot.
Rousseau avait été un détracteur notoire des mérites de Rameau et, après sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles et son Discours sur les Sciences et les Arts dont le développement, assurait-il, seraient funestes au bonheur de l’Humanité, un sourire intériorisé me ramène chaque fois songeur à ma vraie jeunesse si idéaliste (et non pas à celle moins concrète que j’exhorte à s’incruster à force de courses et de gymnastiques astreignantes).
Que dire de la musique française en 2025?
Le programme des Violons du Roy mettait donc en vedette l’adroit violoncelliste Raphaël Pidoux dans un Concerto pour violoncelle de Jean-Louis Duport (1749-1819) après une symphonie en trois mouvements de François-Joseph Gossec (1734-1829). Le public très grisonnant (où peu de jeunes prenaient place) en a raffolé à ce qu’il semble.
Mais la salle Bourgie n’était pas au comble comme c’en est habituellement l’état aux concerts des Violons du Roy. Je ne saurais en accuser toute la musique française pour moi qui ne jure parfois que par Fauré (mélodies, musique pour piano) , Debussy (oui, le Grand Œuvre entier), Ravel (la musique pour piano, les deux suites de Daphnis et Chloé et j’en passe des collections) voire aussi les très souvent trop mésestimés Camille Saint-Saëns et Francis Poulenc!
Un débat sur les nationalités en musique
Mon amusement profond face à Rameau et ses œuvres orchestrales ou celles au clavecin, toutes fort agréables lorsque jouées au piano, est de me rappeler cette affreuse diatribe finale de mon séduisant Rousseau sur la musique française (citation tirée de sa tonitruante Lettre sur la musique française — datée de 1753) une musique dont les beautés sont pourtant indéniablement, voire tout à fait indiscutables:
Je crois avoir fait voir qu’il n’y a ni mesure ni mélodie dans la musique française, parce que la langue n’en est pas susceptible ; que le chant français n’est qu’un aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue ; que l’harmonie en est brute, sans expression et sentant uniquement son remplissage d’écolier ; que les airs français ne sont point des airs ; que le récitatif français n’est point du récitatif. D’où je conclus que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir; ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux! Jean-Jacques Rousseau
Pour moi, ce fut un coup de revolver à l’opéra que cette phrase… Car c’est la plus belle langue chantée… avec l’italien!
Mais tant d’opinions diverses et tant de loufoques idées animent de querelles le monde de la musique que, parfois, sourire est la seule réponse adaptée à tant de lubies imaginaires… Surtout que la musique n’est allemande ou italienne ou espagnole que par traditions de rythmes entraînants adroitement syncopés et de modes d’élocution ou de composition, de structures harmoniques, de rigueurs caractéristiques des développements ou de modes de variations sur des thèmes portant tantôt plus, là, à la réflexion, puis ici à la danse, ailleurs à la rêverie.
Oui, Rachmaninov et Tchaikovsky sont russes, oui Isaac Albéniz, De Falla et Granados sont espagnols, mais enfin il faut toute une éducation musicale pour en convenir et la déceler aux premières flagrantes mesures.
En jouir, les yeux fermés?
Au final, la musique a t-elle vraiment une nationalité? Si on lit ceci… comme l’écrivait Rousseau dans son redoutable Contrat social (1762) qui lui valut prise de corps, dix ans d’errances et l’obligation d’errer persona non grata sous un faux-nom protecteur de sa persécution pour des écrits politiques mordants annonçant ou appelant à la Révolution : « La Terre est à tout le monde et n’appartient à personne. »
Ça c’est exact aussi pour la possession de la musique! Mettre en vigueur cette citation règlerait bien des problèmes de frontières et de libertés de circulation ou d’immigrations empêchées, tous des problèmes de liberté créés trop loin de la douceur des mélodies et de l’apaisante musique, y compris la « française »!
INTERPRÈTES
Les Violons du Roy
Nicolas Ellis, chef
Raphaël Pidoux, violoncelle
PROGRAMME
GOSSEC Symphonie en ré majeur, op. 3 n° 6
DUPORT Concerto pour violoncelle n° 6 en ré mineur
RAMEAU Suite pour orchestre tirée de différents opéras































































