C’était un jeudi soir de première comme on les aime, marqué par une ambiance festive et un retour attendu : celui des soupers-spectacles, une tradition mise en veilleuse depuis la pandémie. Le Cabaret du Casino de Montréal lançait en grande pompe la résidence du spectacle Cowboys : de Willie à Dolly, qui y sera présenté jusqu’au 2 août. Et cette première avait tout d’un événement.
Ce qui rendait la soirée encore plus mémorable? L’arrivée, pour la toute première fois en 30 ans d’existence, de la troupe Québec Issime au Cabaret. Avec ce spectacle country qui fait fureur partout en province depuis plusieurs années, la barre était haute — mais atteinte, et même dépassée.

Une entrée en matière magistrale
Dès la levée du rideau, le ton était donné : grandiose et vibrant. Les douze artistes sur scène — six musiciens et six chanteurs — entonnent une ballade a cappella, dans une formation chorale soignée. Rapidement, le spectacle s’emballe sous la direction dynamique de Julie Villeneuve, enchaînant, à un rythme soutenu, les plus grands classiques du répertoire country américain, sans oublier un savoureux détour dans l’univers du country québécois, sous la direction musicale raffinée de Denis Cantin.
Costumés avec soin, chapeaux de cowboy vissés sur la tête et bottes aux pieds, devant leurs micros vintage, les artistes nous plongent d’emblée dans l’univers country, authentique et gai, entre ranchs poussiéreux et bars de Nashville.

Une fresque musicale à l’américaine… et à la québécoise
Fidèle à l’approche scénographique de Québec Issime, les tableaux thématiques s’enchaînent comme des chapitres d’un livre musical. The Barn Dance Show, The Carter Family avec les incontournables Johnny Cash et June Carter. Avec You Are My Sunshine, le public remonte le temps jusqu’aux années 50 — et même avant — avec des succès immédiatement reconnaissables.
Un moment particulièrement fort du spectacle : Krystel Mongeau offre une interprétation émouvante, d’une douceur et d’une intensité bouleversantes, de Crazy de Patsy Cline. Un moment suspendu, qui arrache des frissons.
Sur scène, les performances vocales et scéniques de Caroline et Karine Riverin sont saisissantes, les deux cofondatrices de Québec Issime, forment avec Krystel un trio féminin d’une rare harmonie. Bien que sortant de sa zone de confort avec les chorégraphies exigeantes du spectacle, la gagnante de La Voix 2022 rayonne, autant par sa voix que par sa présence lumineuse.
Côté masculin, le trio n’est pas en reste : Philippe Berghella (le Don Raphael de Don Juan), Dominique Godin (La Voix 2023, auteur du EP Ma vie sur la route) et Yanick Lanthier (vu dans Rent, Doo Wop, Les légendes du rock’n’roll) livrent des performances solides, tant vocalement que physiquement. Tous dansent, chantent et occupent la scène avec une aisance impressionnante.

Chorégraphies, énergie et virtuosité
Les chorégraphies, signées Émilie Josset, s’inspirent du style « danse en ligne« , très ancré dans la tradition country, tout en intégrant une dynamique moderne et parfaitement synchronisée. Rarement a-t-on vu des artistes performer avec autant d’endurance : le dernier numéro, qui revisite le country contemporain avec manteaux de cuir, jeans noirs, bottes brillantes et attitudes rock, est tout simplement renversant. Il faut une forme d’athlète pour chanter, danser et garder le souffle jusqu’à la dernière note!
Chaque tableau est aussi l’occasion d’un changement de costume, renforçant ce plongeon assumé dans les différentes époques et ambiances du spectacle.
Hommage au country québécois
Puis le spectacle met à l’honneur le country de chez nous : Québec Tennessee, Les Cowboys du Québec, Le Ranch à Willie — cette fameuse émission des années 70 — et un répertoire profondément ancré dans la mémoire collective : rappelez-vous … Bobby Hachey, Quand le soleil dit bonjour aux montagnes (Renée Martel), À qui l’ptit cœur après neuf heures (Roger Miron), l’incontournable Mille après mille, Patrick Norman avec Quand on est en amour, et même Salut les amoureux de Joe Dassin.
On entend aussi On the Road Again de Willie Nelson, ainsi que plusieurs duos, trios et même des battles vocales entre les artistes.
Pour représenter le Québec moderne, on aborde Si j’avais un char de Stefie Faulkner. Berghella, Godin et Lanthier, possèdent aussi les voix puissantes et le style qui collent parfaitement à cet univers particulier de ce qu’on appelait du western à une autre époque. Les voix féminines, quant à elles, brillent tout autant; ils sont tous épaulés dans les coulisses par Marie-Ève Riverin à la direction vocale.
Une instrumentation riche et enveloppante
La section musicale est aussi solide que le volet vocal : guitares, basses, accordéon, contrebasse, batterie, violons, piano … tout est mis à contribution pour soutenir et enrichir les performances vocales des six chanteurs, qui maîtrisent plusieurs registres et tonalités.
Le tableau Grand Ole Opry, en clin d’œil à la mythique salle de Nashville, met en vedette un duo entre Dolly Parton et Kenny Rogers avec Islands in the Stream, sans oublier 9 to 5, emblématique de la flamboyante Dolly.
Un souffle d’authenticité
Malgré les thèmes souvent mélancoliques du country — amours perdus, solitude, tendresse —, ce spectacle est un véritable bol d’air frais dans un monde où l’authenticité se fait rare. Le country, ici, touche l’âme, les tripes et surtout le cœur. Il est aussi ce symbole essentiel de l’espoir.
En guise de finale
Le spectacle se clôt par un hommage visuel à tous les artistes évoqués : de Shania Twain à Roger Miron. Une belle façon de rappeler combien ce genre musical, trop souvent marginalisé, a marqué des générations ici comme ailleurs.
Un autre pari réussi pour cette troupe chaleureuse, généreuse et d’un professionnalisme exemplaire. Chapeau à Québec Issime pour cette production impressionnante et pleine d’humanité.































































