Hier soir, au Théâtre Jean-Duceppe, une rare première estivale a attiré un parterre de vedettes du théâtre, du cinéma, de la télévision et des médias. Le public montréalais s’est rassemblé pour découvrir Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, adaptation québécoise de la populaire comédie française de 2014, qui retrouve ici une nouvelle vie sur scène grâce à Juste pour rire.
Un début de pièce qui donne le ton
La pièce s’ouvre sur une scène pour le moins inattendue : la circoncision du petit-fils, né du couple que forme la fille du patriarche avec un partenaire juif. Et c’est dans cette séquence que l’on retrouve Rémy Girard (en grande forme), hilarant et désabusé, coiffé d’une kippa, dans le rôle du père Alain Bouchard — un rôle qu’il tenait déjà en 2017 au Théâtre du Rideau Vert.
Dès les premières répliques, le ton est donné : audacieux, corrosif et franchement drôle.

Famille Bouchard : les mariages de la diversité
Les Verneuil du film original cèdent ici leur place aux Bouchard, une famille bourgeoise québécoise dont le patriarche voit ses repères culturels s’effondrer sous les unions « exotiques » de ses filles : l’une avec un Juif, une autre avec un Musulman, une troisième avec un Asiatique.
La mère, incarnée avec finesse par Marie-Ginette Guay (Discussions avec mes parents), agit comme un tampon entre les tensions, tentant de maintenir une paix familiale parfois bien fragile. Elle trouvera elle-même une nouvelle voie dans ce mariage qui traîne de la patte. Le dernier espoir d’Alain ? Karine, la benjamine, dont l’amoureux reste inconnu. Mais elle aussi est tombée amoureuse d’un homme qui ne « coche pas les cases » : un Africain.
Sébastien Tessier brille en incarnant plusieurs personnages. Il campe d’abord un prétendant québécois de souche, caricature d’un homme rustre et peu instruit, que le père tente de présenter à Karine. Il se glisse aussi avec aisance dans la peau d’un décorateur efféminé, ajoutant une couche savoureuse d’humour à la galerie de personnages.
Ces rôles secondaires, finement construits, enrichissent la dynamique en multipliant les points de vue et en exposant les préjugés avec une ironie désarmante.
Un Noël haut en couleur… et en réconciliation
Le souper de Noël constitue un moment-clé du spectacle. Dans une tentative maladroite mais sincère d’unir tout ce petit monde, les gendres d’origines diverses apprennent à chanter Gens du pays de Gilles Vigneault. L’effet est à la fois comique et touchant, cristallisant l’absurdité des clivages culturels tout en célébrant l’universalité de la famille.
C’est aussi le moment où Widemir Normil entre en scène, dans le rôle du père africain du fiancé de Karine, tout juste débarqué du continent. Vêtu de son boubou traditionnel et coiffé de son chapeau africain, il vient participer à l’organisation du mariage de son fils, Wilson. Et bien que lui aussi affiche ses propres biais racistes et misogynes, la pièce rappelle que les préjugés n’ont pas de frontières.
Mais que l’on se rassure : tout finit bien. Les tensions s’apaisent, les esprits s’ouvrent, et l’amour triomphe.
Une mise en scène vive et une distribution solide
Dans une mise en scène fluide et énergique signée Michel-Maxime Legault — notamment lors de l’excellente scène précédant le réveillon —, l’adaptation d’Emmanuel Reichenbach parvient à équilibrer satire sociale et tendresse familiale. Découpée en tableaux rythmés, la pièce permet des transitions efficaces et des changements de décors et de costumes particulièrement réussis.
La distribution est d’une grande solidité :
Rémy Girard, Widemir Normil, Marie-Ginette Guay, Ariel Ifergan, Monika Pilon, Maxime Mompérousse, Isabeau Blanche, Sébastien Tessier, Mehdi Boumalki, Nicolas Michon, Marie-Ève Soulard La Ferrière et Marie-Ève Trudel livrent tous des performances justes, rythmées et très engageantes.
Conclusion
Avec cette comédie familiale audacieuse, locale et rassembleuse, Duceppe frappe fort en plein été. On rit de bon cœur, parfois avec un pincement, tant les thèmes abordés — racisme, intégration, pluralité culturelle — demeurent brûlants d’actualité.
Cela dit, on pourrait se demander si le propos ne sonne pas un peu réchauffé, à l’heure où le Québec, enrichi par une immigration grandissante, a vu sa société évoluer. N’empêche que par le rire et la caricature, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? réussit à faire réfléchir tout en divertissant. Et ce, avec un charme résolument québécois.
Crédit photo: Sébastien Jetté
Dates et lieux de la tournée : https://questcequonafaitaubondieu.com/































































