Quiconque a entendu la sublime voix du baryton John Brancy se réjouira d’apprendre que quatre représentations (les 27 et 30 septembre, les 2 et 5 octobre à la salle Wilfrid Pelletier) du Don Giovanni de Mozart le porteront au comble du triomphe lyrique en nos terres québécoises!
Des salles combles attendront vraisemblablement les interprètes pour ce sujet d’éternelle actualité qui demande une incarnation talentueuse voire experte en matières amoureuses, certes ici fictives, mais avérées à toute époque!
Conquérir et assujettir à l’amour
En 1787, à 31 ans, Mozart enfile les chefs-d’oeuvre et Don Giovanni (le Don Juan de Molière ici essentiellement vaniteux et poussé à la faute de démesure) n’échappe pas au grand succès que la mélomane ville de Prague lui réserve alors comme ce fut le cas pour son opéra Le mariage de Figaro.
« Don Giovanni, nous explique en entretien John Brancy (détenteur d’un prix Grammy), expose un caractère parvenu au sommet ou au comble de sa carrière de séducteur qui se moque des lois et des règles de la séduction. Il rejette toute limite et se croit hors d’atteinte ou de punition socialement exigible. S’il se croit invulnérable c’est qu’il s’est toujours tiré d’embarras ou d’affaires. Pour lui, l’exercice du pouvoir (de séduction ou de soumission) n’a pas de conséquences tangibles. »
La faute de démesure
En répétition générale, au bénéfice des médias accourus nombreux pour prendre connaissance d’un fragment de la mise en scène de Stephen Lawless où la pianiste répétitrice bien connue Esther Gonthier jouait le rôle de tout un orchestre (l’orchestre I Musici sera dirigé par Kensho Watanabe), nous avons été choyés de la fameuse scène de l’assassinat du Commandeur (chanté par la basse William Meinert).
C’est une scène centrale ou déterminante, on y a trouvé un ferme père chéri, un deuil désespérant d’une de ses cruciales victimes la belle Donna Anna (jouée par la talentueuse soprano canadienne Kristen Leblanc).
En effet, le meurtrier Don Giovanni sera confronté au sens profond de la résurrection de sa victime. On le verra enfin aux prises avec la foudre d’une destinée incendiaire ou purificatrice à laquelle il ne pourra qu’obtempérer voire sous laquelle il devra à jamais ployer.
Michel Beaulac en parle éloquemment
La psychologie du personnage de Don Giovanni chez Mozart suit une trame toute intérieure nous explique Michel Beaulac, le directeur artistique de l’Opéra de Montréal, en entrevue: « Ce séducteur ne croit en rien et il fait tout ce que ses instincts rudimentaires peuvent lui inspirer. Il le fait aussi pour confronter son entourage et défier Dieu — tel un athée — par tous ses comportements excessifs choquant sans relâche une société que lui, absolument, rejette. »
On verra donc, dans ce très grand opéra en deux actes, comment l’exercice du pouvoir amoureux — par un potentat transcendant même le rôle de séducteur — et aussi combien sa rencontre avec une manifestation divine le sanctionneront.
La péripétie du libretto de Lorenzo da Ponte lui montrera sa culpabilité frivole, son rejet de l’Humanité, sa vie dissolue, en somme toutes fautes qui lui vaudront un juste prix à payer.
Un Don Giovanni d’actualité
Se peut-il que ce sujet soit éminemment d’actualité? Quoiqu’il vienne d’un génie musical d’il y a fort longtemps et dont on ne retrouve aucun comparable exemplaire de cette magnitude, quoique, il me semble nous remettre en présence d’un trait de caractère récurrent en société, la fameuse séduction, peut-on vraiment s’en étonner?
Au firmament littéraire, loin de Rabelais qui ne moralisait rien des appétits de Gargantua ou Pantagruel, loin bien plus tard des légèretés de la Cour française un poco italienne des Valois qui avaient lu ardemment le Décaméron Jean Boccace (1313-1375), Mozart composa ceci en plein Siècle des Lumières (Montesquieu, Rousseau, Voltaire, Diderot, Sade) dans un firmament artistique qui, au dix-huitième siècle, fit aussi pondre, souvenons-nous en, à Choderlos de Laclos son incomparable roman épistolaire Les Liaisons dangereuses.
Don Giovanni de Mozart c’est une autre foudre associable au même tonnerre qui terrasse le cœur, l’âme et la bienpensance. À ne pas manquer!
ARTISTES
Interprétation
John Brancy (Don Giovanni),
Ruben Drole (Leporello ),
Kirsten LeBlanc (Donna Anna),
Anthony Gregory (Ottavio),
Andrea Nuñez (Elvira),
Sophie Naubert (Zerlina),
Matthew Li (Masetto),
William Meinert (Commendatore)
Chef d’orchestre
Kensho Watanabe
Mise en scène
Stephen Lawless
Choeurs
Chœur de l’Opéra de Montréal,
I Musici de Montréal































































