L’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM) offrait, près d’une bonne trentaine d’années plus tard, le pari de représenter La Damnation de Faust d’Hector Berlioz en concert d’ouverture de saison.
La représentation a permis au public mélomane montréalais de jauger ou reprendre contact, mercredi 17 septembre, à la Maison Symphonique, avec ces audaces musicales éblouissantes, ayant jadis fait la haute réputation de l’OSM sous Charles Dutoit.
Scintillements et jaillissements vocaux
Il fallut recourir à une centaine de voix magnifiques, y compris celles des quatre solistes entourés des 96 choristes professionnels, et y adjoindre encore une quarantaine de voix féminines des Petits Chanteurs de Laval, tous bien entendu, aidés en leurs préparatifs choraux par Andrew Megill et Philippe Ostiguy. C’est ainsi que le chœur entier de la salle, glorifiait toutes les textures et tessitures de la voix humaine.
Autres sollicités? Absolument tous les meilleurs éléments solistes de chacun des pupitres présents de l’OSM ce soir-là, tous sous la direction du chef Rafael Payare, avec comme résultat d’ensemble que le public très mûr et expérimenté a pu jouir d’une expérience essentielle, à quiconque cherche à mesurer la stature réelle de l’éclat d’un très grand orchestre en son milieu musical, qui le sertit de ses authentiques talents.
Du boulot pour tout le monde
Il y a de tout dans ce Berlioz à la fois grivois, rutilant, taquin et poétique, de presque 140 minutes d’inventions musicales capricieuses et toujours allégoriques : tant pour tous les vents de l’orchestre, que pour tout le quatuor à cordes sans cesse en action. On y entend des moments de gloire pour l’alto solo, le hautbois solo, le violoncelle solo, sans oublier la très fameuse Marche hongroise reconnue par chacun et cette survoltante Course à l’abîme, de l’ultime quatrième partie.
Mais c’est la partie vocale qui semble souvent monstrueuse d’exigences épuisantes.
Solistes mobilisés à d’immenses difficultés vocales
Dans cette oeuvre-fleuve du volcanique génie en presque perpétuelle effusion — tel qu’il fut sa vie entière de fameux excentrique peu repenti — Hector Berlioz conçut un Faust séduisant à partir de celui de Goethe (traduit de l’allemand par le poète Gérard de Nerval) : il en fit une glorieuse Damnation de Faust où c’est le ténor Andrew Staples qui détient la partie la plus constamment à l’épreuve dans le rôle central de Faust.
On mesure une justesse d’articulation chaque fois poussée à ses limites aux effroyables aigus chez ce Faust exsangue aux côtés de l’excellence, à tout point de vue interprétatif, de Méphistophélès incarné par ce quasi inébranlable baryton que demeure Sir Willard White : un parfait interlocuteur adjoint à Faust comme guide maléfique ou manipulateur passionné promettant la réjuvénation éternelle.
Au premier acte, le basse-baryton Ashley Riches incarnant Brander, joua un rôle de moindre amplitude entendu avec une diction française digne des beuveries qui s’y chantent abondamment dans cette oeuvre d’humour agréable et de feinte rédemption.
L’héroïne de l’amour idéalisé soit le rôle de Marguerite échu à la mezzo-soprano écossaise Karen Cargill, qui nous offrit un D’amour l’ardente flamme de grande beauté dans ce rôle où jadis éblouirent le public Yvonne Minton, Fréderica von Stade, Léontyne Price, pour ne nommer que celles-là.
Comment résumer Berlioz?
C’est le grand écrivain français Romain Rolland, Prix Nobel de Littérature 1915, qui résume en peu de mots le compositeur en ses oeuvres et sa personnalité: « L’oeuvre de Berlioz n’est pas l’oeuvre d’une vie qui se développe largement, mais de quelques années de vie ; ce n’est pas le cours d’un grand fleuve, comme Wagner ou Beethoven: c’est une explosion de génie, dont les flammes éclairent le ciel tout entier, un instant, et s’éteignent peu à peu dans la nuit. Tâchons de décrire ce prodigieux météore. » Romain Rolland, Musiciens d’aujourd’hui, 1908.
L’oeuvre immense est reprise ce soir le 18 septembre 2025, à la Maison symphonique, dès 19h30 avec une agréable causerie pré-concert une heure plus tôt.
La Damnation de Faust d’Hector Berlioz
Artistes
Orchestre Symphonique de Montréal
Rafael Payare, chef d’orchestre
Karen Cargill, mezzo-soprano (Marguerite)
Andrew Staples, ténor (Faust)
Sir Willard White, baryton (Méphistophélès)
Ashley Riches, basse-baryton (Brander)
Chœur de l’OSM
Andrew Megill, chef de chœur
Petits Chanteurs de Laval, chœur
Philippe Ostiguy, chef de chœur
Œuvres
Hector Berlioz, La damnation de Faust, op. 24 (136 min)
Entracte (20 min)
Photos : Antoine Saito
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