Le Cinéma du Parc à Montréal fait oeuvre de courage politique en présentant, en primeur, une semaine seulement, Palestine 36, un film qui devrait supposément sortir sur les écrans en janvier 2026.
Il n’est pas garanti, à mon avis, de le voir largement diffusé car il raconte une connivence de la Couronne britannique ayant permis l’accumulation des armes dans les kibbutzs durant les années 1930 permettant éventuellement la confiscation et redistribution des terres, forçant surtout l’éviction manu militari des occupants arabes depuis des siècles établis là de manière incontestable sous les Ottomans (et, surtout, l’expulsion sanglante, violente de plus d’un million de Palestiniens sans droit de retour).
Arméniens et Musulmans dans le même bateau
On parle très peu de l’action des groupes juifs armés que furent l’Irgun, Stern et plus tard Haganah car c’est le gouvernement britannique qui reste sans cesse dans la mire comme inculpés primordiaux de ce film : on retrouve cette duplicité anglaise sous la figure du plénipotentiaire militaire incarné par l’excellent acteur Jeremy Irons.
C’est ce pouvoir anglais qui est représenté comme l’artisan du projet de dépossession des Arabes mais aussi la main agissante en faveur de la prise de possession sioniste du territoire de la Palestine. On laisse entrer les armes et, si les envois sont découverts, en 1936, on ne poursuit pas les auteurs de ces trafics. Un laisser-faire lourd de conséquences.
Les Arméniens qui éprouvent, en 2025, des débats et démêlés de confiscation de leurs terrains et titres à Jérusalem figurent déjà dans Palestine 36 parmi les opposants spoliés mais ils semblent aussi jouer un rôle de double-jeu d’individus terrorisés ou on les montre en phase de dénonciation ou de révélation des forces de résistance palestienne s’étant aussi procuré des armes afin de défendre leurs propriétés et droits de résidence.
Un beau film de haute tension politique
La confortable salle, quasi comble, du Cinéma du Parc, fait devenu si rare en toute ville, encore plus dans les salles de répertoire ou de cinéma alternatif, cette salle était remplie de gens de tous horizons. Aucun esclandre n’y a eu cours durant la projection.
Les images de ce film palestinien évoquent la grande beauté des oliveraies, les scènes de coexistence ethnique et de riches traditions des villages et villes (de ce pays désormais reconnu) tant par des reconstitutions que par des films authentiques de l’époque, recolorés et restaurés à la perfection.
Au bénéfice de lectures préalables ou ultérieures
Ce voyage fort exact dans le temps — pour quiconque a lu abondamment sur ce conflit de plus d’un siècle — illustre les forces tant pro-sionistes de l’Empire britannique que la crédulité d’autres figures (le prince Fayçal de jadis en serait l’image idéale de crédulité) en son sein qui ont cru en une justice finale voire en cette promesse languissante faite à l’origine des premiers printemps arabes, rappelons-le nous, via Lawrence d’Arabie : puis cette promesse sera reformulée aux successeurs ou alliés arabes fort crédules d’une solution à deux États.
En somme, une promesse jamais tenue bien entendu, soit celle d’une unité arabe s’incarnant par une effective souveraineté politique, économique ou militaire.
Dès la partition de Peel jusqu’à la confiscation
Les allusions à la catastrophique mais habile et flatteuse Commission Peel décrétant la partition des terres que les Arabes avaient un peu refusé d’enregistrer — vu qu’ils en étaient les exploitants depuis des siècles et que les andanes ou oliveraies témoignaient d’une culture comme un fait accompli — sont centrales car on leurre les Arabes en les flattant comme peuple exemplaire d’hospitalité cosmopolite. Ils choisirent, en se sentant spoliés, la rébellion.
Toutefois le projet réel de Sa Majesté se révélait autre : ainsi, seront mises en évidence les exactions de l’armée britannique en force d’occupation partisane expulsant les Arabes, un village à la fois. Une force militaire si abusive que mêmes les colons israéliens la signaleront comme indésirable jusqu’à l’attaquer, en faire exploser les casernes, les convois de militaires, puis même les envoyés — dits diplomatiques — ultérieurs cherchant une justice minimale tout autant chimérique (tel le fameux diplomate suédois Folke Bernadotte en septembre 1948).
Courageux mais choquant de dilemmes
C’est donc un film courageux, lourd de constats ayant des ramifications actuelles très perturbantes, en somme une production vraiment exceptionnelle dont je doute qu’elle puisse être amplement vue, distribuée veux-je dire, et comprise telle qu’elle devrait l’être, car cela nécessite des centaines d’heures de lecture et de documentation permettant de faire le tri entre les faits et les pièges des inévitables propagandes. On avère alors seulement ce film.
À la sortie du film, les spectateurs sont à peu près tous en état de choc ou remplis de profonds questionnements, car on y ouvre là la voie à la révision des babillages officiels : on inspire aux questionnements fondamentaux de ce projet dont l’aboutissement semble être désormais une reconnaissance acquise en façade alors que les murs de l’illusion entretenue se sont totalement effondrés de toute concrète réalité civile et territoriale.
Drame historique
115 minutes
Scénariste et réalisatrice : Annemarie Jacir
Pays : Palestine, Royaume Uni, France, Danemark, Qatar, Arabie Saoudite, Jordanie
Interprètes : Saleh Bakri, Hiam Abbass, Jeremy Irons, Liam Cunningham, Karim Daoud Anaya































































