Ce sont une directrice générale et un directeur artistique ravis et flanqués de deux amples magnifiques vases étalant leurs bouquets multicolores de part et d’autre du grand piano de concert Steinway de Hambourg qui nous ont accueilli, jeudi soir 2 octobre à la Salle Bourgie à Montréal, pour le récital d’ouverture tant attendu de cette quinzième saison, celui du pianiste norvégien Leif Ove Andsnes.
Son programme entièrement romantique offrait, en guise d’échauffement, la belle Sonate en mi mineur opus 7 de son compatriote Edvard Grieg (1843-1907), œuvre en 4 mouvements chantants autrefois très prisée et jouée par les Artur Rubinstein, Alicia de Larrocha et autre Guiomar Novaes de ce calibre, ces légendes d’une époque révolue où le Ladies Morning Musical Club (LMMC) accueillait à Montréal avec faste les plus grands de tous les musiciens tous instruments confondus. C’est à la Salle Bourgie que ces fréquentes apparitions mémorables ont désormais davantage cours.
Un Schumann à la Cortot
Le Carnaval opus 9 de Robert Schumann (1810-1856) offre de tout en ses 22 mouvements baptisés d’incarnations de personnages et d’évocations bucoliques méditatives, dansantes, remplies d’une énergie essentielle à cette jeunesse idéaliste allemande alors que le musicien hypersensible n’était pas encore amoureux de Clara Schumann. Le niveau pianistique de Andsnes là-dedans a dimension de ces valeureuses interprétations qu’en a donné et enregistré le défunt grand pianiste français Alfred Cortot.
Moments fulgurants aux Préludes op.28 de Chopin
Notez que le public a rappelé trois fois Leif Ove Andsnes sur scène de ces vivats sustentés avant l’entracte, chose rarissime, puis, au retour, la partie la plus difficile du récital nous était généreusement offerte.
À part le cinquième prélude qui tourbillonnait de sa danse vertigineuse à la perfection, il a fallu attendre le douzième prélude pour entrer véritablement dans cette espèce de transe fougueuse maîtrisée, aussi criante d’un parfait unisson des deux mains au quatorzième prélude, que de course folle étincelante dans l’époustouflant 16 ième prélude et, ça, après le convenu, populaire quinzième prélude si bien rendu (celui que tout le monde reconnaît pour avoir été intitulé le Prélude de la Goutte d’eau). Mais du 18ième au vingt-quatrième prélude, Andsnes prend toute sa stature caractérielle sans hésitation, sans bavure, car les pédales en ces miniatures exigent un soin méticuleux, fort complexe jouant parfois de petits tours.
Deux rappels
Après ces vingt-quatre œuvres qui parfois n’ont de miniature que leur durée mais plus souvent qu’autrement un sommet d’aptitudes en pré-requis – car les Préludes de Chopin requièrent sans compromission une gigantesque technique et une maîtrise locutoire de l’instrument- le soliste offre la Cathédrale engloutie, un prélude de Claude Debussy cette fois. Ce sera le moment le moins convaincant du récital.
Finalement, autre rappel, une page des si diversifiées Pièces lyriques (opus 54 no.2, Marche paysanne) de Grieg encore: située au début de ces 7 recueils totalisant 69 jolis morceaux à tempéraments variés, il a laissé le public sur ce fredonnement inspirant une sortie insouciante en plein air!
Les Pièces lyriques de Grieg forment une espèce d’abécédaire de la jeunesse de ces pianistes norvégiens et scandinaves dont Håukon Austbø nous a aussi gâté de double ou triple albums compacts devenus une référence d’interprétation de ce répertoire chez Brilliant Classics. Lui aussi, j’ai toujours rêvé de l’entendre en récital ! Pour Andsnes, c’est donc chose faite.
Les instructives notes de programme, signées Benjamin Goron, offraient à nouveau au public le détail d’atmosphère du cadre d’ensemble de ces créations romantiques où le pianiste triomphe et fait rêvasser à volonté son fervent auditeur.
Depuis toujours, Leif Ove Andsnes a su épater les auditoires accourus l’entendre avec une sincère admiration.
Le 19 octobre prochain, le pianiste en résidence à la Salle Bourgie cette année, Kristian Bezuidenhout, offrira des oeuvres de Brahms, Mendelssohn, Schubert et Clara Schumann.
Que l’automne chatoie de ces berçants moments de voyages intérieurs votre coeur…et pour chacun(e) de vous!
INTERPRÈTE
Leif Ove Andsnes, piano
PROGRAMME
GRIEG Sonate pour piano en mi mineur, op. 7
R. SCHUMANN Carnaval, op. 9
CHOPIN 24 Préludes, op. 28
Photo : Bergen, 28.04.2022 Leif Ove Andsnes Photo : Helge Hansen / Montag































































