Dès le lever du rideau au Théâtre Maisonneuve, à Montréal, le ton était donné : celui du burlesque. Les Ballets Trockadero de Monte Carlo, affectueusement surnommés les « Trocks », promettaient une relecture excentrique des grands classiques du répertoire, 5 ans après leur passage sur notre territoire. Et la promesse a été tenue — avec brio par cette douzaine d’hommes en tutus et en pointes, espiègles et ébouissants.
Au-delà de la parodie, c’est la maîtrise absolue du langage classique qui étonne. Chaque arabesque, chaque pirouette, chaque saut témoigne d’une technique irréprochable, doublée d’un sens du comique parfaitement dosé. Entre gags subtils et chaos chorégraphique savamment orchestré, les danseurs ont déclenché de francs éclats de rire, tout en gardant la précision à l’oeil et au pied.
Les Trocks, nés à New York en 1974, désacralisent sans détruire. Leur humour n’est jamais cruel : il célèbre la danse autant qu’il la détourne. En jouant avec les conventions de genre et en assumant une liberté totale sur scène, la troupe crée un espace où le public se sent autorisé à rire, à applaudir, à réagir… à son gré.
50 ans d’une naissance à New York
Pour cette saison célébrant les 50 ans, les Trocks ont proposé un programme à leur image : flamboyant, technique et délibérément impertinent. Les classiques revisités — Le Lac des cygnes, La Mort du cygne et Paquita — ont été interprétés avec une virtuosité désarmante.
Sous leurs airs comiques, les regards complices des danseurs, les improvisations qui répondent aux réactions du public, les rivalités simulées entre ballerines : tout concourt à créer une intimité particulière, où chaque spectateur devient un acteur du spectacle.
Les pièces classiques
L’interprète d’Odette, dans Le Lac des cygnes (acte II), a livré une version à la fois drôle et poignante du célèbre rôle. Le fameux pas de quatre des petits cygnes, parfaitement synchronisé malgré des « accidents » délibérés, démontre la discipline qui se cache derrière le chaos apparent.
La suite tirée de Paquita a, quant à elle, permis à la compagnie de briller par une technique académique éblouissante. Les pirouettes impeccables, les sauts puissants et les portés, parfois volontairement outranciers, témoignaient d’une force et d’une rigueur remarquables.
Quant à La Mort du cygne, moment culte du répertoire, elle a été transformée en un véritable numéro de génie : une déconstruction pleine de grâce et d’autodérision, où chaque plumé qui tombe semble saluer la beauté même du ballet.
En tant que spectatrice passionnée de danse, j’ai été frappée par la justesse de leur démarche. Les Ballets Trockadero ne se moquent pas du ballet ; ils en soulignent la poésie, les excès et la puissance, avec une affection palpable.
Hier soir, en célébrant leur 50e anniversaire, ils ont rappelé que l’hommage le plus sincère à un art n’est pas toujours de le reproduire fidèlement, mais de le réinventer avec tendresse et humour.
Photo : Vincenzo Nicolello



























































