L’exigence d’une vue d’ensemble et d’une écoute alerte à la Maison symphonique de Montréal n’étaient pas le moins du monde facultatives pour quiconque cherchait à mesurer les degrés de somptuosités orchestrales et de performances solistes optimales atteintes par les membres de l’OSM sous la direction d’un brillantissime Rafael Payare, mercredi soir 3 décembre.
À la Stanislaw Skrowaczewski
L’interprétation du Concerto pour orchestre de Béla Bartok a bien entendu volé la vedette à l’original Concerto pour violon et orchestre opus 35 d’Eric Korngold dont James Ehnes continue de dominer — à mon avis — en mémorable préséance la perfection expressive et cela malgré une très belle prestation de la violoniste invitée Simone Lamsma.
Son aura physique à la Nicole Kidman se combine à ma souvenance du tempérament fougueux d’une violoniste montréalaise à fort tempérament, la célébrissime, que dis-je, la regrettée Ida Haendel.
Un Bartok d’anthologie

Le chef Payare a fait vivre l’oeuvre de ses beautés plastiques et virtuoses magistrales à travers un maintien de tension lumineuse et alerte un peu comme le grand chef Stanislaw Skrowaczewski de l’Orchestre (très excentré dans les plaines) du Minnesota le réalisait, ce grand rival de Charles Dutoit en profusions de splendeurs notamment dans les interprétations des orchestrations de Ravel et ici du Concerto pour orchestre de Bartok.
Les légendaires parutions Berlioz puis de toute notoriété de Ravel et Bartok furent autrefois partout récompensées de triomphes critiques. Les nouvelles le seraient encore: une parution récente de la Symphonie fantastique Pentatone 5187-413 fort radieuse est à se procurer coûte que coûte, mais un mot encore que je m’explique.
Un concert inoubliable encore une fois
Après la mise en bouche savoureuse d’une habile orchestration de la pièce pour piano intitulée L’Isle joyeuse de Claude Debussy, un adroit enrobage symphonique conçu par Bernardino Molinari en 1904 -travaillant sous la supervision du maître français — survinrent les trois mouvements du Concerto pour violon de Korngold.
Il fut le concerto favori de la violoniste québécoise Chantal Juillet (avec le Poème d’Ernest Chausson me confirmait-elle, jadis). On y sent chaque fois Zemlinsky et Mahler avec lesquels Korngold avait étudié.
Après l’entracte, surgit dans son écrin de joaillerie symphonique le Concerto pour orchestre de Bartok : il a brillé au-dessus de tout autre, une œuvre à multiples solistes sollicités sans relâche à atteindre un degré d’adresse et d’expressivité sardonique ou dialogique, tâche qui fut magnifiée d’exploits de polissage sonore au comble du raffinement.
Lumière et entrain tout partout
Réussite du quatuor à cordes aussi, des harpes et percussions aussi, mais surtout de nos seize titulaires merveilleux aux hautbois, clarinettes, flutes-piccolo, bassons, puis les douze autres aux cors, trompettes et trombones ont chacun — et donc tous — magnifié de leur prestance remarquable: ainsi, brillaient les soliloques dupliqués en duos, trios et les réponses mélodiques de chaque pupitre et de l’un vers l’autre, le tout pour en faire un Bartok séraphique de cinq mouvements dignes de figurer en haute anthologie louangée.
Les concerts de l’OSM, il faut l’écrire clairement, sont chaque fois l’événement musical incontournable de notre ville, en fait la raison fondamentale pour bien vivre ici d’art au sommet de l’apte raffinement, et, pour la bien habiter de notre présence.
Un autre ré-enregistrement à prévoir?
Il était clair au sortir de la prestation de l’ensemble, sous l’énergique gouverne du chef, depuis les troisième et quatrième mouvements, en particulier où Payare s’est appliqué à solliciter une très longue pause de silence attentif avant de s’y engager, il m’apparut inévitable que la superbe version (Decca numérique 421-443-2 sous Dutoit, jadis louangée partout pour avoir paru primordiale et inégalée) que celle-là sera sans contredit outrepassée si cette œuvre-phare est reprise en l’état renouvelé de l’orchestre en 2025.
Être ainsi bercé et entraîné de dynamisme et d’humour en alternances, c’est une immense fortune culturelle que tout l’Occident ne peut que nous envier, soit la pierre angulaire de notre société bien plus que distincte.
Photos : Antoine Saito































































