Le 13 novembre 1985, tout le Québec retenait son souffle, rivé au petit écran, pour voir notre compatriote André-Philippe Gagnon interpréter la chanson We Are the World avec ses dizaines de voix au célèbre Johnny Carson Show, devant des millions d’Américains.
Ce soir-là, la gloire fut assurée lorsque de façon inattendue, l’animateur américain l’invita à venir jaser après sa performance. Carson avait la réputation de n’inviter spontanément à son pupitre que les artistes aux numéros véritablement exceptionnels. Et c’était non négociable. C’est ainsi que la carrière américaine d’André-Philippe Gagnon fut véritablement lancée.
Hier soir, lors de la Première montréalaise, les sièges du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts étaient remplis de célébrités locales, y compris Yvon Deschamps, à qui l’homme aux 400 voix consacre affectueusement un numéro hilarant.
Certes, l’imitateur de 64 ans a visiblement vieilli. Il a inéluctablement perdu la fraîcheur de ses jeunes années et semble un peu à l’étroit dans ses vêtements. Mais dès que la nervosité du premier numéro — une imitation des personnages de bandes dessinées — est passée, son ardeur, son incroyable talent et sa générosité nous captivent à nouveau.
Remasterisé revisite, vidéos à l’appui, une carrière exceptionnelle : au Québec bien sûr, mais aussi en Europe et aux États-Unis. La recette de ce succès reste visible sur scène : un collaborateur inégalable aux textes, en la personne de Stéphane Laporte, et un travail acharné de cet orfèvre de la voix et du mouvement.
En prime, il a offert un We Are the World émouvant, sur les images originales, alors qu’il s’époumonait à chanter :
We are the world – We are the children – We are the ones who make a brighter day, so let’s start giving,
synchronisé avec les lèvres de Michael Jackson, Lionel Richie, Tina Turner, Stevie Wonder, l’intense Bruce Springsteen, etc. Un numéro époustouflant, toujours aussi marquant aujourd’hui.
Il survolera la scène artistique québécoise (et quelques politiciens aussi) : Félix, Charlebois, Piché, Ferland, et le jeune Émile Bilodeau. Sa voix et son corps sont entièrement mis au service d’un véritable jeu d’acteur. Les textes sont pertinents, drôles, anecdotiques et justes : ils racontent ses expériences.
Il fera ainsi le tour de la grande chanson française, rappelant son passage remarqué en 1985 au gala des Victoires de la musique (6 heures !) où il devait étonnamment briser la glace, il mimera Julien Clerc, Renaud, Francis Cabrel, Bécaud, Serge Lama, Dassin, Hallyday et, évidemment, Aznavour !
Il évoquera avec enthousiasme sa rencontre avec Lady Di (et celui qui est devenu le roi Charles III), à qui il offrit un spectacle privé incluant McCartney, George Harrison, Elton John, Bowie, etc. Il reviendra également sur ses neuf années à Las Vegas, dans diverses salles dont le Venetian et le Paris, où — forcément sous le regard affûté d’Elvis Gratton — il interpréta du Elvis, du Frank Sinatra, du Sammy Davis Jr., et bien d’autres.
Photos : Sébastien Jetté
Dans la section consacrée aux sports, André-Philippe Gagnon utilise brillamment l’intelligence artificielle : son visage se transforme en divers narrateurs sportifs renommés. Il choisira ensuite un spectateur dans la salle, saisira sa voix… et l’imitera aussitôt !
Certes, on pourrait reprocher au spectacle de s’adresser principalement à la génération des baby-boomers. Mais les artistes qu’il évoque demeurent, encore aujourd’hui, des icônes connues même des plus jeunes. Gagnon rend hommage à sa carrière et à celle de ces bâtisseurs et précurseurs qui ont façonné la culture que nous vivons aujourd’hui.































































