Au cœur du trentième anniversaire du Festival de musique de chambre de Montréal, la Salle Bourgie accueille jusqu’au 22 juin de très grands musiciens de stature mondiale dont le violoniste canadien James Ehnes et l’exceptionnel pianiste italien Gabriele Strata.
On entendra encore ce pianiste abondamment cet automne, dès le premier tour du Concours Chopin à Varsovie où nous sommes invités comme auditeurs au troisième stage, à la finale et aux concerts gala.
Jean-Sébastien Bach en instruments d’époque
Lundi soir 16 juin, le violoniste manitobain le plus célèbre dans le monde entier, James Ehnes, ainsi que le mûr violoniste Blake Pouliot ont enchanté le public d’un des deux doubles concertos de Bach accompagnés par les lauréats de la Banque d’instruments du Conseil des Arts du Canada en formation d’orchestre sans oublier la présence du Québécois Luc Beauséjour au clavecin, en basse continue.
Ces derniers accompagnateurs à l’archet sont les détenteurs de la vingtaine d’instruments (16 violons, 4 violoncelles me résume t-on) de fine lutherie italienne collectionnée et offerte par le Conseil des Arts que celui-ci prête pour des périodes uniques de trois années renouvelables en trois occurrences (total maximal 9 ans), mais avec un entretien annuel obligatoire chez le luthier torontois officiellement désigné pour leur préservation.
Stradivarius 1715, Guarneri 1729
Nos grands musiciens de nos quatuors ou de nos ensembles orchestraux jouent ainsi sur des instruments de haut prix frôlant parfois le million de dollars américains que des mécènes prêtent, offrent à l’usage ou, au final, cèdent au jour de leur succession.
James Ehnes joue avec entrain, de par le monde entier, sur son violon Stradivarius de l’année de la mort de Louis XIV soit 1715 et, Blake Pouliot, musicien en ascension, joue sur un violon Guarneri 1729.
Concertos de Chopin et de Chostakovitch
L’immense talent qu’est le pianiste franco-italien Gabriel Strata, deuxième prix du Concours musical international de Montréal 2024, a offert aux mélomanes, en richissime virtuose, ces phrasés de suave sensibilité puis délicatesse lors de ces leggierissimo, dolcissimo et molto con delicatezza soulignés à la partition du Concerto no.2 en fa mineur de Chopin.
Surgissent aussi des moments fascinants de son tempérament fougueux en puissance éloquente dans ces subits con fuerza indiqués fortissimo qui magnifient les contrastes ingénieux du Concerto en fa mineur.
Un artiste est un roseau pensant fragile et son parcours méritoire justifie publication, expression et diffusion hic et nunc
Le vrai Strata en effusions
Cependant, si on a souvenir de l’inoubliable grand moment monumental de son interprétation fulgurante du premier Concerto pour piano et orchestre de Tchaikovsky à la finale du CMIM, c’est dans le Concerto pour piano et trompette en do mineur opus 35 de Dimitri Chostakovitch que nous avons retrouvé le Gabriele Strata volcanique, ingénieux puis explosif si essentiel à cette œuvre qui jouissait en plus des instrumentistes commandités par le Conseil des Arts du Canada, tout autant de l’ensemble du quatuor Chaos que du trompettiste Jens Lindemann.
Inutile de dire que ce sont de pareils moments musicaux à Montréal qui alimentent en légendes écrites en lettres d’or, pourtant bien avérées, les annales des chroniqueurs musicaux.
Mécénat essentiel
Une mécène montréalaise, sympathique mélomane d’origine polonaise, Jane Skoryna, rendant possible financièrement une telle soirée fut honorée le 18 juin mais Dixi Lambert et Marc Bissell sont nommés ainsi que Letko Brosseau, les fondations des familles Turner, Vineberg, Morris, Goodman, LLoyd-Carr-Harris, Azrieli, Wirth et van Berkom tout au long de ce festival de musique de chambre offrant des quatuors de Schubert, de Brahms, des œuvres de Messiaen et l’écoute de cette jeune relève couronnée du prêt honorifique d’un de ces instruments rarissimes.
Ascèse, discipline et réalisations
Il faut regretter cependant l’absence des biographies des artistes dans les projections sur mur tout comme sur papier pour éclairer le public en recueillement à la Salle Bourgie: le narratif des sacrifices quotidiens et réalisations chèrement acquises en ces carrières artistiques plus que courageuses — à raison de six à huit heures quotidiennes de pratique incontournable de leur instrument— , serait un minimum de lumière.
Chacune de ces carrières nécessite une force mentale hors du commun à un moment où des fous sur Terre tirent et massacrent en tous sens et tout partout lâchement puisque nous le voyons, atterrés, in vivo.
Un artiste est un roseau pensant fragile et son parcours méritoire justifie publication, expression et diffusion hic et nunc (ici et maintenant). Le spectacle désolant d’une humanité si absente de compassion peut éteindre le feu sacré et désoler tout poète, toute poétesse dévastée(s) du narcissisme au pouvoir. Éclairons là, la grandeur du cheminement de leur vocation consolatrice.































































