Quand le rideau s’est ouvert sur Nancy Fortin et ses cinq musiciens en cette matinée de dimanche, la salle bondée du Cabaret du Casino de Montréal a soudainement retenu son souffle. Ce concert tout en sobriété intitulé L’Essentiel – un hommage à l’oeuvre musicale de Ginette Reno, allait donner toute la place à la voix puissante et d’une grande justesse de la chanteuse. Loin de l’imitation, pendant 75 minutes, Nancy Fortin fera sien un bouquet de chansons gravées dans nos mémoires à jamais.
Élégante et gracieuse, l’interprète réchauffera le public avec un tube de 1964, Tu vivras toujours dans mon coeur. Nancy Fortin poursuivra avec un medley sur les débuts de carrière de Ginette Reno dans les années 60, notamment avec la chanson Les Yeux fermés, à l’origine I’ll close my eyes, enregistrée par une kyrielle d’artistes à partir des années 40 dont Connie Francis et Bing Crosby; puis, J’aime Guy, une traduction de Yessiree, et C’est mon coeur qui chante clair que Pierre Lalonde et Petula Clark ont aussi entonnée.
Dans les années «Jeunesse d’aujourd’hui», les compositions originales étaient rarissimes et ce qu’on y entendait avait déjà parcouru l’Europe et les États-Unis. Ainsi l’idole de ma mère, Tino Rossi, tout comme Ginette Reno et Nancy Fortin, ont chanté La Dernière valse. Dans la vibrante Aimez-le si fort, produite par Robert Watier, le premier mari de Ginette Reno et soutenue par les Choeurs de Raymond Berthiaume en 1970, des paroles comme « S’il oublie de vous dire « Je t’aime » – C’est à vous de résoudre le problème», sonnent désuètes aujourd’hui, mais témoignent de la réalité de l’époque.
Sur la scène du Cabaret du Casino, Nancy Fortin se déplace majestueusement et interprète avec aisance et aplomb ce chapelet de succès de la chanteuse la plus connue du Québec. À mi-chemin dans le spectacle, un des trois choristes, Yannick Lanthier, partagera quelques duos avec celle qui fait aussi partie du groupe Zarzuela: Le sable et la mer, La deuxième voix, T’es mon amour, t’es ma maîtresse de Jean-Pierre Ferland, et Fais moi la tendresse, écrite par Reno elle-même.
Fortin surprendra le public en racontant des anecdotes sur la générosité de Ginette Reno lorsqu’elles ont travaillé ensemble notamment lors d’un déplacement pour un spectacle à Toronto. Tandis que l’équipe en tournée et Ginette Reno étaient en classe économique sur une ligne aérienne, Madame Reno s’est fait offrir un siège en première classe qu’elle a refusé tout de go préférant rester avec ses musiciens et choristes. Étonnamment au retour de Toronto, toute l’équipe s’est retrouvée surclassée! Généreuse…
Livrées par Nancy Fortin, ces chansons créées par de grands auteurs-compositeurs, continuent de marquer des époques mais sont aussi des signets dans nos drames quotidiens, pensez à Ne m’en veux pas, Ça va mieux, À ma manière. Ces voix venues d’ailleurs (Reno, Fortin), ces mélodies nostalgiques et ces paroles vraies remuent nos passions et rejouent ces moments secrets qui appartiennent à nos histoires personnelles.
J’ai craqué aux premières notes de Ceux qui s’en vont, ceux qui nous laissent et je n’étais pas la seule à sortir le mouchoir. Il y a de ces chansons qui remplissent notre désert intérieur quand abîmés on ne trouve plus les mots. Peu avant de nous quitter, elle a offert L’Essentiel de l’immense Charles Aznavour, elle est allée chercher ces très hautes notes sans broncher dans Un peu plus haut, un peu plus loin comme si nous étions 300 000 sur le Mont-Royal à l’écouter et elle a offert a capella les dernières lignes de Je ne suis qu’une chanson!
Nancy Fortin a réussi son pari.
22, 23, 29 mai et 5 juin 2019 à 13 h 30
L’Essentiel
Un hommage à l’œuvre musicale de Ginette Reno
Au Cabaret du Casino
75 minutes