Véritable plaidoyer pour la poésie, Chansons pour filles et garçons perdus nous fait découvrir ou redécouvrir des textes classiques, et plus contemporains. Loui Mauffette, co-metteur en scène, a choisi d’illustrer son enfance de mots d’auteurs québécois ou canadiens, au travers de gestes portés par plus d’une vingtaine de comédiens. Mélangeant ancienne et nouvelle garde, la troupe livre un hommage senti, qui aurait gagné à être resserré et moins éparpillé.
Benoit Landry – fidèle acolyte et deuxième metteur en scène – avait ce désir : rapprocher les gens, le public grâce aux mots des poètes, souvent mal connus ou mal compris. Et toute la scénographie a été pensée en ce sens : scène 360, bris du quatrième mur, slows improvisés entre comédiennes, comédiens et public surpris… le thème de l’enfance, cher à Loui Mauffette, teinte de sa magie, de son insouciance les textes délivrés. C’était le deuxième désir : rendre la poésie accessible, la descendre de son piédestal et la mettre en scène. Un sourire étampé dans la face, nous sommes prêts à embarquer.
Cette ode aux mots passe par de nombreuses surprises : chantées, dansées, sautées ! L’enfant petit, ado, jeune adulte ou prisonnier de l’adulte s’exprime : Simon Boulerice, Gabrielle Chapdelaine, Michel Garneau… on ratisse large et on rassemble large. Les exclamations des spectateurs traduisent l’approbation des textes choisis et font monter ce petit sentiment de temps qui file, de jeunesse perdue.
Par la suite, l’enfance est mise de côté pour des thèmes plus sombres, plus lugubres ou plus spirituels. Juste à penser aux paroles désenchantées de Leonard Cohen, rageuses de Josée Yvon, torturées d’André Fortin, on oscille entre malaise, souvenir amer et dégoût. Des moments de grâce se glissent aussi. Mentions spéciales à Marie-Jo Thério et son Fais-moi danser François Hébert, à Kathleen Fortin et à son charisme indéniable, et à Roger La Rue qui manie absurdité et mélancolie avec une aisance redoutable.
En dépit d’une mise en scène dynamique, les trois heures de spectacle se font sentir. La cohésion de groupe perd parfois face à la mise en valeur individuelle. On penche dangereusement vers le format jam de chums. Les numéros se succèdent, les thèmes évoluent dans la même famille de mots, les clichés apparaissent… Bientôt, les découvertes ou les réappropriations de textes ont du mal à nous garder attentifs. Le final en trois temps est trop appuyé et à force de jouer sur la même gamme d’émotions, on perd l’envie d’en être.
Le choix des textes a dû être cornélien et il appert qu’il a été restreint. On comprend que le tri dans cette abondance doit être crève-cœur, mais le temps, la répétition et l’excès de symboles ont augmenté une distance qui devait être raccourcie.
Un héritage riche qui gagnerait davantage à rester une invitation à la découverte, plutôt qu’une rétrospective complète.
Crédit photo : Valérie Remise
Durée du spectacle : 3h avec entracte
Chansons pour filles et garçons perdus est présenté au Centre du Théâtre d’aujourd’hui jusqu’au 4 mai. Puis en rappel à la Cinquième Salle de la Place des Arts, du 9 au 19 mai 2019.
Idée originale, direction artistique et mise en scène : Loui Mauffette
Mise en scène et interprétation : Benoit Landry
Interprétation : Nathalie Breuer, Kathleen Fortin, Émilie Gilbert, Roger La Rue, Pierre Lebeau, Jean-Simon Leduc, Gabriel Lemire, Macha Limonchik, Mylène Mackay, Catherine Paquin Béchard, Jean-Philippe Perras, Adèle Reinhardt, Marie-Jo Thério
Interprétation, direction musicale et musique originale : Guido Del Fabbro






























































