Nostalgiques de la chaude saison? Le groupe d’électro-jazz, Cinematic Orchestra donnait un concert à retardement dans le cadre du Festival international de jazz de Montréal, samedi au Théâtre Corona. Placé sur un piédestal, notamment depuis la transcendante To Build a Home, avec Patrick Watson au chant, le groupe jouit d’une place privilégiée dans le cœur des Québécois et d’une aisance certaine sur scène. Et bien que quelques réserves puissent être émises quant au format de leur prestation, on ne peut qu’admirer les prouesses et les improvisations des six acolytes.
Deux heures d’attente pour une heure et demie de prestation : un ratio qui traduit la patience des aficionados de la première heure. Sans rien enlever aux deux DJs qui ont endossé le rôle ingrat de première partie, le décalage était trop fort entre leur prestation techno dansante et l’ambiance plutôt recueillie du concert principal. Résultat? Toutes générations confondues se sont retrouvées à lire les actualités sur leur téléphone. Une drôle de salle d’attente au rythme plus qu’effréné en somme…
Si bien que l’accueil du groupe s’est fait dans la simplicité la plus totale, à l’image de la décontraction publique, qui a mis fin à ses mises à jour sociales. Des claps polis et rapides – on n’y croyait plus – ont accompagné une entrée sobre. Il y a longtemps que Cinematic Orchestra ne souffre plus sous le poids des attentes. Cela dit, l’ambiance grandiose, poétique et orchestrale (!!!) a elle aussi, mis du temps à s’installer. Il faisait froid, et le public ne s’était pas réellement réchauffé…
C’est le batteur Luke Flowers, qui a permis à la magie de prendre sa juste place. Il faut le voir caresser ses cymbales et imposer son rythme. Au centre et en contrôle malgré le froid dont il semblait souffrir lui aussi, Lessons de leur dernier album To Believe (2019), se déploie tout au long de ses rythmes saccadés, une marque de fabrique des musiciens. L’autre caractéristique se loge dans le saxophone de Tom Chant et ses dissonances qu’il prend même plaisir à construire devant nous. Ah la magie de la technologie !
Durant cette tournée qui était aussi de passage à Québec, Heidi Vogel et Larry Brown, alias Grey Reverend, habillent de leurs voix veloutées certains morceaux, tel Zero One/This Fantasy, véritable bijou. En revanche, la version acoustique du hit To Build A Home laisse un goût d’inachevé. L’orchestration simplifiée et disons-le, l’absence de l’émotion vocale de Patrick Waston sont entrées en compétition directe avec la proposition adaptée. L’investissement des deux artistes n’a malheureusement pas su faire oublier l’originale.
Une dizaine de pièces ont ainsi été interprétées, laissant une large place à l’improvisation dont les musiciens et le public sont si friands. Si la force tranquille de Luke Flowers sur A Man with a Movie Camera est à se jeter par terre, chacun a eu son heure de gloire. Ces gars-là sont littéralement possédés par la musique et les voir en communion totale – entre eux et avec leurs œuvres – reste impressionnant.
Pour le coup, les faibles interactions avec le public ont été appréciées, car il n’aurait pas fallu interrompre cette délicate atmosphère. De toute façon, Cinematic Orchestra est davantage porté sur les notes que sur les paroles. Comme leur musique est d’or, la parole peut bien être d’argent…
Crédit photo : Evenko
Pour connaître la programmation du Théâtre Corona, visitez le site theatrecorona.ca.