L’émerveillement musical que nous offre, depuis le tout début de la saison 2024-2025, l’incontournable Salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal mérite les plus grands éloges. Mais voici encore, au proche horizon, cinq hauts faits artistiques à tenter de ne pas rater, coûte que coûte.
Christian Gerhaher, baryton
Mardi le 28 janvier se présentera une des plus belles voix de baryton interprétant Schumann et il sera magnifiquement accompagné au piano car cela importe aussi au plus haut point.
À ses côtés caressera l’ivoire de l’instrument préféré de Schumann le grand Gerold Huber qui est l’équivalent actuel du regretté Gerald Moore (jadis en paire avec Fischer Dieskau) aussi l’équivalent de Irwin Gage (accompagnant Elly Ameling) ou de Geoffrey Parsons (accompagnant Christa Ludwig) ou l’immensément grand Dalton Baldwin (avec Jessye Norman)… tout ça pour dire que le programme est idéal et les musiciens on ne peut plus impossible à surpasser.
R. SCHUMANN
Fünf Lieder, op. 40
Liederkreis, op. 39
Drei Gesänge, op. 83
Romanzen und Balladen, op. 53
Sechs Gedichte von N. Lenau und Requiem, op. 90
Benjamin Appl, baryton, Éric Lu, pianiste
Pour les mêmes principes d’excellence vocale et d’accompagnement ou de duo d’interprétation, nous recevrons la veille de la saint-Valentin (donc le 13 février au soir) la visite du baryton Benjamin Appl avec le délicat et éloquent Éric Lu au piano. Le programme présente Le Chant du Cygne de Franz Schubert, le premier génie du lied allemand.
La Salle Bourgie est l’endroit rêvé pour ces récitals vocaux vu le site enchanteur du recueillement de cette église enveloppée de vitraux Tiffany laissant pénétrer cette lueur d’inspiration des soirs de pleine lune. Le 26 février se produira aussi à 17h une conférence sur Schubert de Jean Portugais qui enchantera ceux et celles qui s’y rendront prendre connaissance de qui fut vraiment Franz Schubert.
PROGRAMME BEETHOVEN An die ferne Geliebte (« À la bien-aimée lointaine »), op. 98SCHUBERT Schwanengesang (« Le Chant du cygne »), D. 957
Charles-Richard Hamelin en récital
Le deuxième prix de l’avant-dernière édition du concours Chopin, le Québécois Charles Richard-Hamelin s’amènera le 12 avril avec un riche programme comportant les 4 scherzi de Chopin mais aussi du Debussy, du Poulenc et du Albéniz. Voilà un pianiste majeur sur la scène canadienne qui fait son chemin sans compromission et s’impose avec grand soin au public d’ici. Il reste encore quelques places de choix mais il faut faire vite.
DEBUSSY
Suite bergamasque, L. 75
ALBÉNIZ
La Vega, B. 46
POULENC
Suite Napoli, FP. 40
CHOPIN
Scherzo no. 1 en si mineur, op. 20
Scherzo no. 2 en si bémol mineur, op. 31
Scherzo no. 3 en do dièse mineur, op. 39
Scherzo no. 4 en mi majeur, op. 54
Louis Lortie et l’Intégrale Ravel
Annoncées comme vendue en entier, il ne faut pas désespérer de ne pouvoir assister à cette double soirée (4 février et 19 mars) de prouesse de mémorisation et d’interprétation du grand maître français, Maurice Ravel cet éternel rival de Claude Debussy. En effet, toujours, chaque soir, des abonnés doivent annuler ne pouvant se présenter pour des raisons diverses et des billets se libèrent.
Ne jamais désespérer
Voici des trucs d’étudiant mélomane m’ayant servi par le passé: s’informer d’une liste d’attente ou accompagner un dignitaire du milieu artistique ayant reçu invitation ou, tout aussi valable que le coup de chance du dernier moment où les moins de 34 ans paient 10 dollars le billet, se porter à la porte de l’entrée et apercevoir une personne subitement abandonnée de son conjoint offrant le trésor de cette écoute.
Souriez-lui de votre plus beau visage juvénil avec vos yeux étincelants de passion musicale! Combien de fois à la Philharmonie de Berlin ou au MET ai-je été béni de ce hasard pourtant statistiquement faiblement probable?
Intégrales dignes des plus grands
Nous avons entendu de Louis Lortie, au fil des ans des intégrales de toutes les sonates de Mozart, de toutes celles de Beethoven, de l’ensemble des trois Années de Pèlerinage puis de Venezia e Napoli de Franz Liszt, jadis son admirable version des Études d’exécution transcendante de Liszt (enregistrées par la CBC de Toronto), récemment encore les Études et Préludes de Chopin récitées sans faille de texte aucune à la Maison Symphonique…etc.
Et donc voilà l’Intégrale Ravel encore toute par coeur et on ne cesse de se demander si ce prodigieux artiste n’est pas tout aussi surhumain au clavier que Novak Djokovic au tennis!
À l’égal de Claudio Arrau
Sans l’équivaloir tout à fait (Arrau fut un grand maître incontesté de l’intégrale de Brahms!) Lortie est un peu notre Claudio Arrau local. Technique irréprochable, sonorités élégantes, en somme, bien plus de 50 ans d’émerveillement depuis que l’impresario et directeur de l’Orchestre symphonique de Toronto, Walter Homburger, l’avait recruté et pris sous son aile (avec l’artiste Glenn Gould) pour le représenter sur la scène internationale.
50 ans fermes de carrière
On dit ici officiellement qu’il célèbre 40 ans de carrière mais c’est bien plus 50 ans, car il fut enfant prodige et, par deux fois, il fit des tournées élaborées en Chine avec l’Orchestre symphonique de Toronto notamment bien avant 1984, l’année où le Concours Busoni le couronna… Puis, quelques semaines ou mois plus tard, cette même saison, le prix au Leeds Competition où, inscrit tardivement, il remporta tout de même le 4ème prix derrière un autre pianiste canadien aujourd’hui bien moins fameux, Jon Kimura Parker.
Le plus célèbre élève d’Yvonne Hubert
À son piano de la rue Hotel de Ville en 1983, il m’admettait bien sincèrement à propos de toutes les études de Chopin (opus 10 et 25) qu’il venait de me jouer par cœur, authentiquement enthousiasmé, toutes absolument impeccables qu’il jouait « là-dedans depuis l’âge de 9-10 ans ».
Et à 24 ans, il avait, j’ai noté quelque part cette liste dans mes journaux d’étudiant de Lettres, à son répertoire environ 25 concertos, tous sus par cœur et réalisables à quelques heures de révision pour quelque orchestre qui soit qui les lui demanderait à interpréter. Tout un géant musical ce Louis Lortie!
Bon hiver et printemps musical à tous!
Photo de Louis Lortie : Elias Photography