Toutes les très belles voix en perfectionnement à l’incomparable Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal ont exercé leurs talents dramatiques et vocaux dans deux œuvres bien menées soit les opéras «La Serva Padrona» et «The Medium» sous le bâton d’un très élégant Simon Rivard à la tête de l’Orchestre Classique de Montréal. Il s’agit du même acronyme (OCM) que l’ancien Orchestre de Chambre McGill de la famille des musiciens Brott dont on étoffe une filiation orchestrale ou un continuum depuis 85 ans maintenant.
Des voix jeunes, des timbres radieux
Franchement, c’est tout simplement épatant le perfectionnement de tout ce qui se fait pour l’art vocal à Montréal, cette fois-ci sous la mise en scène de François Racine et les préparations musicales des pianistes Martin Dubé, Jennifer Szeto, Martine Jomphe et Jérôme de los Santos. La soirée du mardi 8 octobre à la salle Pierre Mercure n’a donc pas fait exception à toutes ces réalisations splendides, enfin tout ce que j’ai vu et entendu à ce jour.
Deux beautés sonores harmonieuses
Pour souligner la beauté émouvante de justesse, de nuances et de puissance de la radieuse servante Serpina incarnée à merveille par la voix de soprano de Sophie Naubert, rien de moins que la complémentaire et talentueuse présence scénique de la voix du très jeune baryton Jamal Al-Titi, tout nouvel Orphée à l’Atelier Lyrique dans le rôle, ici, du maître Uberto. C’est une voix riche en maturation: j’en ai eu quelques imaginaires réminiscences de l’émotion que nous donna jadis, au centuple, un autre immense talent, soit Philippe Sly.
La beauté étincelante du couple Naubert-Al Titi fit rêver à peu près tout le monde et surtout les scènes typiques de dépit amoureux feintes. Ces scènes à l’italienne sont si savoureuses aussi chez Molière et Marivaux, les voilà toutes ravivées par la splendide musique du frère Giovanni Draghi dit Pergolèse (1710-1736).
Ainsi, ces sommes de talents rajoutaient au bonheur de l’ascension sociale d’une servante à celle d’incontestable maîtresse et d’épouse irrésistible! Angelo Moretti, dans son rôle muet de subalterne utile, complétait le tableau.
Œuvre intéressante de Gian Carlo Menotti (1911-2007)
Jouée en deux actes, avec des scènes à l’opposé du rêve amoureux mais virevoltant vers le cauchemar hallucinatoire des amateurs de spiritisme, l’œuvre de Menotti a des sonorités contemporaines mais reste toujours mélodieuse. Le compositeur quasi-centenaire Gian Carlo Menotti aura aussi ravi par son sujet ésotérique le public et les cent vingt abonnés et mécènes présents.
Brigitte Esler et Camila Montefusco
Voilà donc les deux centrales voix féminines bouleversantes de beauté de timbre et de nuances s’ajoutant à cette soirée inoubliable. Esler rayonna dans le rôle de Monica et Montefusco dans le rôle de Madame Flora (dite Baba) gronda du tonnerre d’orages amazoniens typiques des confins de la Cordillère des Andes…pour qui a déjà vécu par là ou séjourné voire entendu l’ire céleste en ces élévations perturbées de tempêtueuses intempéries.
L’histoire de ce spiritisme est accablante non seulement par le meurtre du muet mais attendrissant Toby, joué sans rouspéter par Ian Sabourin, mais par le tempérament des caractères recherchant à ressusciter des morts!
En somme, bien des contrastes en chair de poule en une soirée épatante par laquelle brilla plus que nulle autre, quoique toutes excellentes, l’émouvante Sophie Naubert. En ajoutant la belle voix de la mezzo-soprano Justine Ledoux et celle de la soprano Chelsea Kolic, on dessine cet arc-en-ciel de voix féminines en prestation, s’il est encore permis, sans risquer la guillotine, de qualifier en genres les tessitures de toutes les voix humaines.
La Serva Padrona – Pergolesi, G. B.
Uberto – Jamal Al Titi, baryton
Serpina – Sophie Naubert, soprano
Vespone – Angelo Moretti
The Medium – Menotti, G. C.
Monica – Bridget Esler, soprano
Toby – Ian Sabourin, contreténor
Madame Flora (Baba) – Camila Montefusco, mezzo-soprano
Mme Gobineau – Chelsea Kolić, soprano
M. Gobineau – Mikelis Rogers, baryton
Mme Nolan – Justine Ledoux, mezzo-soprano
François Racine, mise en scène
Anne-Catherine Simard-Deraspe, éclairagiste
Simon Rivard, chef
https://orchestre.ca/la-servante-et-la-clairvoyante/
Crédit : TamPhotography