David Latulippe a l’ADN d’un coureur de fond. Déjà l’enfant qu’il était, dans la petite municipalité de Tring-Jonction en Beauce au Québec, avait le coeur chantant, déclarait sa maman. Aujourd’hui, et depuis 10 ans, il vit de son métier, d’un océan à l’autre : il ne fait plus que chanter!
Devant le Zénith du Grand Nancy où les Français lui ont offert à nouveau, à lui et aux autres membres de la troupe de Starmania, une ovation bien sentie, le Québécois me parle de cette carrière qui suit son cours comme rivière. Si avec le chant, il a trouvé son soleil, avec Starmania, il a décroché la lune.
David le batailleur
Mais pour que les astres le guident vers son rôle de Zéro Janvier, il lui a fallu être batailleur. Ainsi, il n’a pas ménagé ses efforts pour trouver sa place. Il opte d’abord pour un diplôme d’études collégiales en chant pop et jazz au Cégep de Drummondville, puis, chose rarissime pour un chanteur, il devient bachelier en chant de l’Université Laval à Québec, ce qui équivaut à une licence en France.
« Pour la carrière, les diplômes ne changent pas grand-chose sauf que j’ai des connaissances comme arrangeur musical, en technique et harmonie vocale. On développe aussi l’oreille musicale, la lecture de la musique, la technique de chant et d’improvisation. On bénéficie également de contacts importants au départ pour des auditions privées », renchérit-il.
Mais l’essentiel de ce quinquennat sur les bancs d’école, à répéter, à se tester, à se comparer et à rêver, n’est inscrit nulle part dans ses documents de graduation car il se trouve caché dans son for intérieur : « J’avais besoin de ce bagage d’études pour avoir confiance en moi. Même si ce n’est pas nécessaire pour tous les chanteurs de faire des études », avouera l’artiste bien humblement.
Le fil conducteur
D’année en année, chemin faisant, il forme le groupe a cappella The Rainbows, se retrouve choriste dans le spectacle Vintage de Gregory Charles, pour aboutir en 2016, à l’émission La Voix sous les pieux conseils de son coach du moment Éric Lapointe. Il sera éliminé mais qu’importe, sa carrière est bien enclenchée autant dans le coeur qu’au nombre de ses engagements. Ses contrats en tant que choristes se multiplient, La Voix junior. l’ADISQ, Opération Enfant Soleil, etc. Puis le destin fait en sorte que le meilleur est à venir.
À cette époque le Cabaret du Casino de Montréal est en pleine effervescence avec le groupe Bazz qui présente des spectacles de variétés dont Band on Tour qui s’annonce être un vif succès sauf que… un des artistes tombe malade. Qui sera capable de chanter toutes les nuances des Eagles, AC/DC, U2, The Police, Bon Jovi, Pink Floyd, Supertramp, Van Halen, Led Zeppelin et Queen?
Martin Lacasse, un des choristes à La Voix et membre de la troupe du Cabaret, pousse le nom de David Latulippe dont il a retenu les performances. Puis, en deux temps trois mouvements, le sort en est jeté…
« Je n’ai eu que trois jours pour apprendre les chansons. À la répétition générale, je travaillais avec mon iPad sur scène. Qu’importe, je suis du genre à prendre des chances. Je suis dans le – go on se lâche – , dira-t-il. J’ai eu plus d’une opportunité de remplacement de dernière minute. Puis, j’ai une facilité à mémoriser les harmonies», raconte le chanteur à voix de 31 ans.
Richard Massicotte, le directeur artistique du Cabaret du Casino de l’époque, se souvient clairement : « David est un artiste incroyablement polyvalent. Dans nos spectacles, il pouvait passer du rock (Queen, Prince) au doo-wop (The Four Seasons, The Tokens). En outre, c’est un vrai gars d’équipe.»
Puis Starmania
En 2018, il déménage de Québec à Montréal pour se rapprocher des contrats de choristes qui se multiplient, mais aussi du spectacle Saturday Night Fever qui tournera pendant 6 semaines à Québec et Montréal.
Puis en 2022, au retour d’un voyage dans le Sud et au tournant de la longue pandémie, David découvre sur Facebook une annonce d’auditions pour chanter et jouer dans Starmania, l’opéra-rock mythique de Berger-Plamondon, mais … en France. Comme il s’identifie au personnage de Ziggy, il présente, devant le célébrissime Luc Plamondon, la chanson du même nom, celle que Céline Dion a popularisée. Étonnamment après quelques essais, c’est plutôt Le Blues du businessman qu’on veut le voir chanter. De façon imprévue, il sera retenu pour incarner le personnage principal de Zéro Janvier. Il le préparera non en regardant les performances du passé, mais en s’inspirant de débats politiques du moment pour mettre Zéro Janvier à sa main, lui donner sa texture.
La discipline et la gratitude
Avec un livret rafraîchi, de nouveaux costumes créés par Nicolas Ghesquière, le directeur artistique chez Louis Vuitton, des éclairages sublimes et un public impatient, les avant-premières de l’automne à Nice, Marseille et Nancy, ont été un franc succès. Avant que la rentrée dans l’immense salle de La Seine Musicale à Boulogne à l’ouest de Paris commence en novembre, David est en pause au Québec pendant une semaine pour retrouver amis, famille et reprendre son souffle. Cette fois, avec 7 spectacles par semaine dont deux spectacles à 15h et 20h dans une même journée, il sait déjà qu’il devra redoubler de discipline.
« J’ai besoin de beaucoup de sommeil et d’échauffement vocal. Je fais aussi le jeûne intermittent donc je mange dans un intervalle de 8 heures puis je suis 16 heures sans manger. Mais je ne suis pas inquiet, la nourriture qu’on nous offre est excellente avec beaucoup de légumes. »
Pour s’assurer que tout tourne rondement dans ce spectacle, David a une doublure (Aurel Fabregues) qui, pour ne pas rouiller, le remplace et chante une fois par semaine. Si un des défis du chanteur a été le jeu d’acteur, le metteur en scène Thomas Jolly lui aura permis de trouver l’essence de ce personnage, riche, avare, méchant et un peu psychopathe…
« Thomas est aussi un acteur que je respecte et qui m’a aidé à trouver l’attitude et les émotions pour amener le personnage. Le directeur musical Victor le Masne, quant à lui, m’a montré comment amener la chanson plus loin. Aujourd’hui, je suis très reconnaissant de pouvoir chanter dans ce spectacle. D’ailleurs, je crois que tous les chanteurs voudraient y être. »
Une vie à la hauteur des passions
A contrario de son personnage de Zéro Janvier, David Latulippe s’est inventé une vie à la mesure de ses passions. Il est devenu un artiste heureux. Il voyage sereinement.
David ambitieux ? Si vouloir un jour créer des harmonies et chanter toujours, certes. Mais outre sa passion de chanter et de faire partie d’équipes bienveillantes, David ne cherche pas la lumière de la célébrité. il cherche plutôt les défis qui mettront sa voix à l’épreuve. Il ne veut que chanter.
Crédit Photos : Anthony Dorfmann