Aux grands maux, les grands discours est un spectacle à la fois théâtral, instructif et émouvant. Dorothée Berryman, Marc Béland, Naïla Louidort et Martin-David Peters ont d’ailleurs pu démontrer tout leur savoir-faire devant une salle bien remplie, en ce mercredi soir de première médiatique. Chacun des comédiens interprète des extraits de discours marquants de grands orateurs, sans chercher à imiter ces personnages historiques. C’est ainsi que les mots de Mère Teresa, Barack Obama, Martin Luther King et René Lévesque, entre autres, résonnent, cette semaine, au théâtre Le Gesù.
Théâtre de vérité
Le spectacle s’ouvre avec un court film en noir et blanc où l’écrivain français Albert Camus soutient que le théâtre est davantage porteur de vérité que ce que nous vivons dans nos échanges quotidiens. Avec humour, l’auteur de L’Étranger ajoute qu’on risque de trouver plus de cabotins dans notre entourage que sur les scènes de théâtre.
Cette entrée en matière est le point de départ d’un voyage dans le temps qui ne se déroule pas dans un ordre chronologique. Pourtant, tout se tient et tout s’enchaîne harmonieusement, grâce à l’habile mise en scène de Marie Guibourt.
Par exemple, durant la première partie, on assiste, entre autres, à un condensé du discours prononcé par Mère Teresa, lorsqu’elle a reçu le prix Nobel de la paix, en 1979. Dorothée Berryman reprend avec ferveur les mots de cette religieuse catholique albanaise naturalisée indienne qui a consacré sa vie aux plus démunis. «Ne tournez jamais le dos aux pauvres!», lance la comédienne, avec toute la force de persuasion qu’on lui connaît! Touchant!
Quelques minutes plus tard, Marc Béland s’empare d’un discours du dictateur allemand, Adolf Hitler. À travers ce texte inquiétant et quelques images d’archives du Führer, on réussit à résumer le contexte du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939. De plus, le fait que les mots d’Hitler soient dits si énergiquement par le comédien, devant nous, leur confère une résonance supplémentaire, comme si le public était lui-même témoin de l’aboutissement d’une logique guerrière. Bien joué!
De Joséphine Baker à Barack Obama
Vêtus sobrement, les acteurs sont tous au service des textes, judicieusement adaptés par Rémi Villemure. Ils participent parfois tous les quatre à l’interprétation de certains discours, alors que d’autres textes sont livrés en duo. C’est ainsi que Naïla Louidort et Dorothée Berryman se donnent la réplique avec des propos de Joséphine Baker reflétant différents moments de la vie de cette icône des années folles, aussi connue pour son engagement contre le racisme. Belle façon de rendre hommage à celle qui s’est révélée, entre autres, grâce à la chanson, J’ai deux amours.
Grand gaillard, Martin-David Peters a une stature qui l’aide à se glisser dans un discours de Barack Obama, l’homme qui a marqué l’histoire en devenant le premier président des États-Unis afro-américain. Avec candeur, monsieur Peters nous fait redécouvrir le message d’espoir du fameux «Yes, we can» (Oui, nous pouvons), prononcé en 2008.
De René Lévesque à Michel Lalonde
Malgré quelques problèmes techniques qui ont légèrement perturbé la diffusion des vidéos d’archives historiques, cette première s’est déroulée rondement. Même si les propos sont intenses, le tout n’a rien d’assommant. Cependant, le ton est parfois moralisateur, puisque les discours choisis sont souvent revendicateurs, qu’il s’agisse de féminisme, de lutte contre le racisme, etc.
Néanmoins, ce spectacle d’un peu plus de deux heures, incluant un entracte, est d’un intérêt soutenu du début à la fin. En deuxième partie, il faut voir, entre autres, Marc Béland dans un discours où René Lévesque s’impatiente d’avoir à défendre le français au Québec. La solution à ce problème était évidente pour le leader souverainiste. À ses yeux, la Belle Province devait faire l’indépendance. La fougue et l’humour de Béland ont soulevé l’assistance!
Du même souffle, on enchaîne avec Speak White (Parlez blanc), écrit par Michèle Lalonde, en 1968. Les quatre comédiens sont alors mis à contribution. Dorothée Berryman est particulièrement étincelante dans ce bouillant manifeste, où elle prend un malin plaisir à mordre dans les mots anglais qu’elle prononce remarquablement. Faut-il rappeler que ce poème fait référence à des députés canadiens anglais qui avaient rabroué leur collègue Henri Bourassa en lui criant «Speak White!», alors que le Montréalais tentait de s’expliquer en français.
En résumé : Aux grands maux, les grands discours est une proposition théâtrale hors du commun, portée par une excellente distribution! Une invitation à redécouvrir de grands noms de l’Histoire et leurs discours qui résonnent encore aujourd’hui. Bravo aux productions Agents Doubles qui nous étonnent, une fois de plus, après le succès de Verdict, un autre spectacle atypique!
Aux grands maux, les grands discours
Avec: Dorothée Berryman, Marc Béland, Naïla Louidort et Martin-David Peters
Direction artistique : Luce Rozon
Mise en scène : Marie Guibourt
Adaptation des textes : Rémi Villemure
Au théâtre Le Gesù:
Les 8 et 9 février à 19h.
et le 10 février, à 14h