Je dois souligner une parution remarquable, une révélation estomaquante nommé Blake
Pouliot, violoniste d’exception qui nous fera espérer de grands récitals encore à
venir: sur étiquette Analekta (AN2-8798) dans un disque où le jeune Pouliot est
accompagné magistralement au piano par la pianiste Hsin-I-Huang, on y entend une
version du tonnerre des sonates no.2 de Ravel et no.3 de Debussy.
Selon ce que j’entends, avec une joie frénétique, sur ce disque remarquablement enregistré, je
dois affirmer que ce prodigieux violoniste canadien torontois nommé Blake Pouliot
semble être de la trempe des Gil Shaham, Hilary Hahn, James Ehnes, Joshua Bell, rien
de moins. Évidemment, le disque et le récital sont deux choses et je rappelle la
brillante remarque de Paul-Émile Deiber, second mari de la chanteuse Christa Ludwig:
«Il faudrait savoir pourtant que le disque et sa perfection sont le fruit de longues
heures de travail et de patience, tant devant le micro qu’à la table de montage.
L’humeur aussi joue un rôle, l’entente entre les participants, la technique et ses
impondérables… Aussi, pour une raison quelconque, tel passage sera refait demain:
telle note sera améliorée si l’un ou l’autre a l’impression qu’il peut faire mieux.
Directeur artistique, preneur de son, techniciens se réuniront ensuite pour le
montage, et là ils pourront à loisir choisir entre plusieurs versions, prenant même
telle mesure ici, telle autre là, changeant- s’il se révèle nécessaire- la couleur
d’un passage ou d’une note. Le résultat, évidemment, est souvent proche de la
perfection (techniquement du moins, le reste étant une affaire de goût, ce qui
laisse la porte ouverte à la discussion…) Et c’est cette oreille habituée à cette
perfection qui se rend au concert ou à l’Opéra!» (Christa Ludwig, Ma voix et moi,
Paris. Les Belles Lettres, 1996, p.205-206) Dans le Ravel. la cohésion Pouliot-Hsin
est totale et transcende tout souvenir embelli de Wanda Wilkomirska et Antonio
Barbosa sur Connaisseur Society (CS2038 et l’opus 45 de Grieg y figure).
La technique de Pouliot est assurément remarquable pour obtenir de tels moments de
fiévreuse allégresse à la diction impeccable tant dans le Ravel que le Debussy:
j’ajoute à l’élocution extatique des deux excellents musiciens, par-dessus tout, le
sentiment poétique d’un violon prodigieux de splendeurs sonores. Que de trésors
parmi nous!