La Salle Wilfrid-Pelletier était remplie à craquer, ce soir, pour le retour de Diana Krall, enfant chérie du Festival international de jazz de Montréal, où elle est régulièrement accueillie à bras ouverts, depuis les débuts de sa carrière. Véritable star de la planète jazz, la pianiste et chanteuse originaire de Colombie-Britannique nous revient en quartette avec des standards du jazz vocal et… un air de déjà vu.
Statique et prévisible
Chaleureusement applaudie à son entrée en scène, la dame vêtue d’une flamboyante robe en lamé or, s’installe au piano et elle restera assise durant tout le concert. Elle ouvre la soirée avec Where or When, un standard interprété, entre autres, par Frank Sinatra et qu’elle a elle-même enregistré il y a une quinzaine d’années.
Cette chanson évoque le caractère répétitif de la vie: «It seems we stood and talked like this before… But I can’t remember where or when». Ironiquement, cette entrée en matière me rappelle étrangement le concert de Diana Krall que j’ai vu pour la première fois en 1995 (!), au Cabaret du Musée Juste pour rire. Assise au piano, en quartette ou en trio, la «formule», pour ne pas dire la «recette» Krall n’a pas changé depuis près de 30 ans! On alterne entre les ballades et les rythmes swing, entrecoupés de présentations fort convenues, parsemées de «I’m just so happy!», «We love you!», etc.
La musique et la sono
Remarquable pianiste à la voix suave, la dame de 58 ans est accompagnée des excellents Anthony Wilson (guitariste), John Clayton Junior (contrebassiste) et Jeff Hamilton (batteur). Elle leur laisse beaucoup de place, de sorte que les envolées instrumentales durent parfois plus longtemps que les parties chantées.
Cela dit, il est évident que les immortelles All or Nothing at All, I’ve Got You Under My Skin et You Call It Madness (But I Call It Love) sont entre bonnes mains, mais madame Krall n’est sans doute pas à son meilleur vocalement et la sono n’est pas idéale non plus, du moins à la mezzanine.
La fascination du public
Malgré tout, cette douce jet-setteuse exerce sur le public une fascination qui déborde du cadre de la musique. Ses admirateurs savent bien qu’elle s’est mariée avec le célèbre musicien britannique Elvis Costello dans une résidence d’un de leurs bons amis, un certain Elton John. Madame a aussi côtoyé l’ex-Beatle Paul McCartney qui lui a offert une chanson inédite. Tout cela contribue à l’aura de Diana.
Devant un public, en bonne partie gagné d’avance, elle remonte dans le temps jusqu’à son disque Stepping Out (1993), en interprétant Do Nothin’ Till You Hear From Me de Duke Ellington. Bien sûr, c’est épatant techniquement mais, est-ce mémorable?
Un clin d’oeil à Leonard Cohen
Puis, parmi les temps forts de la soirée, on retiendra Famous Blue Raincoat de Leonard Cohen. Ici encore, c’est un enchantement pour les oreilles, mais l’émotion demeure plutôt vague. De ce point de vue, il n’y a pas de commune mesure avec Cohen qui, malgré une voix défaillante, nous avait fait pleurer à chaudes larmes dans cette même Salle Wilfrid-Pelletier, en 2008.
Malgré ses grandes qualités de musicienne, madame Krall semble se reposer sur ses lauriers. On ne s’attend pas à ce qu’elle se lance dans des mises en scène sophistiquées ou des effets clinquants mais, en restant ainsi assise durant toute la soirée, son concert semble routinier.
Et puis, comment expliquer qu’après tant de visites à Montréal, son français se limite à des phrases toutes faites comme: «Bonsoir, je suis très heureuse d’être ici ce soir». C’est là tout un contraste par rapport à l’Américaine Melody Gardot, qu’on a vu il y a deux jours sur la même scène et qui s’est exprimée dans la langue de Molière à maintes reprises, en plus de chanter en français à l’occasion.
Enfin, Diana Krall qui est toujours très en demande, sera en tournée tout l’été aux États-Unis, avant de mettre le cap sur le Mexique, le Chili et l’Argentine. Ses admirateurs ne doivent donc pas rater l’occasion d’aller la voir au FIJM où elle donne un deuxième concert, ce soir (5 juillet) à la Salle Wilfrid Pelletier.
Photos: Victor Diaz Lamich