Quelle ferveur il y avait ce (vendredi) soir à la Maison Symphonique de Montréal pour la première de Fidelio, le seul opéra de Beethoven. Yannick Nézet-Séguin nous a amené plusieurs superbes chanteurs pour interpréter cette oeuvre grandiose, qu’il s’agisse de sa célèbre Ouverture, ou du vibrant hymne à l’amour final chanté avec un imposant choeur ! L’Orchestre Métropolitain est donc, une fois de plus, au coeur d’un événement mémorable de l’histoire musicale de Montréal. En effet, c’est la première fois que l’OM s’associe à l’Opéra de Montréal pour une coproduction qui s’avère une réussite.
La soprano norvégienne Lise Davidsen est phénoménale en Leonore et le ténor canadien Michael Schade, dont le personnage de Florestan n’arrive qu’au deuxième acte, est bouleversant !
Oui, il s’agit d’une version concert, mais théâtralisée. Bien qu’il n’y ait pas de décors, ni de mise en scène à proprement parler, ces chanteurs sont de véritables acteurs qui par leurs gestes et l’expression de leur regard racontent l’histoire de Fidelio qui est, en fait, Leonore. Cette dernière s’est déguisée en homme et s’est présentée sous le nom de Fidelio, pour se faire engager comme aide-geôlier, dans la prison où son mari Florestan est injustement détenu sur ordre de Don Pizzaro. Une autre difficulté s’ajoute, alors que Fidelio suscite, contre son gré, l’amour de Marcelline, la fille du geôlier, rôle porté par la superbe basse américaine Raymond Aceto, dont on a aussi apprécié la richesse vocale, durant les dialogues parlés de l’oeuvre. Quant à l’Italien Luca Pisaroni, il incarne un terrifiant Don Pizarro, gouverneur de prison, avec sa puissante voix de baryton-basse.
Pour ce qui est des rôles secondaires, il est plus difficile de se faire une idée de l’étoffe des chanteurs. Disons que le baryton-basse Alan Held est convaincant en Don Fernando, défenseur de la justice. Enfin, on croit aux querelles d’amoureux de Jaquino et Marcelline, grâce aux talents du ténor Jean-Michel Richer et de de la soprano Kimy Mc Laren.
Il faut aussi souligner la très bonne performance du choeur, d’abord composé d’une trentaine d’hommes, auxquels s’ajoute une vingtaine de femmes au deuxième acte. Le choeur final est splendide, lorsque tous chantent le courage et l’amour indéfectible de l’épouse de Florestan: «Chantez dans l’ardeur de la joie le noble courage de Leonore» ! Poignant ! Et chapeau à l’orchestre qui occupe une large place dans cet opéra, notamment, avec l’Ouverture du premier acte et l’Ouverture «Leonore III» qui s’étend sur une quinzaine de minutes au deuxième acte. Mention spéciale au pupitre des cornistes que le chef a d’ailleurs fait lever, durant le premier acte, pour qu’on les applaudisse. Parlant d’applaudissements, ils furent (trop?) fréquents tout au cours de la soirée, chaque «numéro» étant longuement salué par le public, ce qui finit par briser un peu le rythme.
Mariage d’amour
Bien sûr, le pilier principal de cette réussite est l’infatigable Yannick Nézet-Séguin, enflammé du début à la fin de ce concert de plus de deux heures. Il faut le voir enlacer ces chanteurs et chanteuses après les avoir amenés à donner le meilleur d’eux-mêmes. Après toutes ces années, le chef maintenant reconnu internationalement semble toujours heureux d’avoir touché le public. Voilà l’une de ses grandes qualités ! Souhaitons que l’OM continue de s’associer à l’Opéra de Montréal, car tout le monde y gagne. Les probabilités semblent bonnes puisque Yannick est un homme reconnaissant. «En 1998, l’Opéra de Montréal m’accueillait dans son équipe à titre d’assistant-chef-d’orchestre…», rappelle-t-il dans le programme de la soirée, ajoutant que cette institution et l’OM lui ont donné ses «premières chances». En choisissant Montréal pour y diriger cette oeuvre culte pour la première fois de sa carrière, Yannick ajoute une autre page marquante à son histoire d’amour avec le public québécois. On quitte la salle en chantonnant ces paroles lumineuses de Leonore : «Ciel ! Quel instant sublime !»
Fidelio, opéra en deux actes de Ludwig van Beethoven
En allemand, avec surtitres en anglais et en français
Avec : Lise Davidsen (Leonore), Michael Schade (Florestan), Luca Pisaroni (Pizarro), Raymond Aceto (Rocco), Kimy McLaren (Marceline), Jean-Michel Richer (Jaquino), Alan Held (Fernando)
Choeur de l’Opéra de Montréal, Orchestre Métropolitain, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin
Coproduction : Opéra de Montréal / Orchestre Métropolitain.
À la Maison Symphonique de Montréal : vendredi 25 octobre à 19 h 30 et dimanche 27 octobre à 15 h .