Après avoir lancé deux albums du projet Flore laurentienne, le compositeur et multi-instrumentiste Mathieu David Gagnon sera entouré d’une dizaine de musiciens sur scène, à Montréal, le 6 avril. Avec sa musique instrumentale d’inspiration classique, mariée à des sonorités électroniques, ce Gaspésien s’est produit dans des villes d’Allemagne et des Pays-Bas. Chez-nous, on a vite remarqué ses talents d’orchestrateur, entre autres, lors de ses collaborations avec sa soeur Klô Pelgag. Entrevue avec un musicien pop à la formation classique qui qualifie son style de «classique progressif».
Faire parler la nature à travers la musique
Né à Sainte-Anne-des-Monts, Gagnon habite maintenant à Kamouraska, tout près du Saint-Laurent. Le fleuve et la nature en général sont des sources d’inspiration pour ce compositeur qui se réclame de l’oeuvre du frère Marie-Victorin, Flore laurentienne, un livre célèbre qui dresse un inventaire de la flore de la vallée du Saint-Laurent.
Déjà, le premier disque de Gagnon, paru en 2019, s’ouvrait avec une pièce d’envergure intitulée Fleuve no 1, inspirée du St-Laurent et de ses majestueuses perspectives. Ce thème est exploité de différentes façons sur l’album Flore laurentienne II, paru l’an dernier, alors que les pièces Navigation III et IV se penchent plutôt sur les micromouvements de l’eau.
Le compositeur s’empresse toutefois de préciser que sa musique est en constante évolution. «Par exemple, pour le spectacle au National, j’ai réécrit les partitions pour dix musiciens dont un quatuor à cordes et quatre clarinettistes. Il y aura aussi des parties improvisées, ce qui permet aux musiciens de prendre leur place! Ce sont d’ailleurs les moments que je préfère! C’est là que la musique live prend tout son sens!»
Quand le classique s’invite dans la musique pop
Gagnon a étudié l’écriture musicale à l’Université de Montréal. Il a poursuivi sa formation en orchestration en France, entre autres, au Conservatoire de Bordeaux. Le contrepoint et la fugue font partie de son bagage qu’il aime utiliser dans ses compositions «de musique populaire et accessible».
«Je ne suis pas d’accord pour qu’on qualifie ma musique de néo-classique, un style qui est d’ailleurs associé essentiellement au piano.» L’artiste souligne que ses pièces sont structurées à partir d’archétypes de la composition classique, d’où émerge un nouveau romantisme sonore.
Par exemple, dans la pièce Promenade, on se détourne du bruit des eaux du fleuve pour entendre le cœur battant de la forêt. Ici, le rythme se détache du mouvement lent des vagues et des marées pour emprunter celui, léger et insouciant, de la balade sur un sentier. Les cordes lancent la marche pour être bientôt rejointes par les synthétiseurs Moog, dont les chants se marient et se répondent.
«Promenade est une mosaïque d’éléments contenus dans les autres pièces de l’album (Flore laurentienne II), auxquelles elle emprunte des accords et des motifs», précise le compositeur. «Pour moi, cette pièce était l’occasion de mettre en valeur l’orchestre à cordes, d’exploiter au maximum la virtuosité des musiciens.»
Résonance internationale
Flore Laurentienne Volume II a été publié sous l’étiquette américaine RVNG Intl, de même que sous la bannière montréalaise Costume Records.
L’automne dernier, Gagnon a pu présenter quelques concerts aux Pays-Bas et en Allemagne. Et oui, le musicien québécois est allé jouer ses fugues à Leipzig, ville où s’est illustré Jean-Sébastien Bach, compositeur qui a marqué la musique occidentale, notamment, avec L’Art de la fugue.
«Les Allemands s’intéressent à ma musique», se réjouit Gagnon; «ça se pourrait bien qu’on retourne les visiter.» Du même souffle, l’artiste souligne que le groupe allemand de musique électronique Tangerine Dream est pour lui une source d’inspiration. Pour ce qui est du mariage entre électronique et classique, il a fait ses preuves, depuis longtemps. Déjà, à la fin des années 1960, l’audacieux Walter Carlos (devenu Wendy) jouait Bach au synthétiseur modulaire Moog sur l’album culte Switched-On Bach.
Plus d’un demi-siècle plus tard, la transgression des genres classique, électronique et pop se poursuit de belle façon à travers les compositions de Gagnon et le son de Flore laurentienne.
Rentrée montréalaise au National, le 6 avril, suivie d’une tournée à travers le Québec.