Geneviève Leclerc a conquis le public de la 5e Salle de la Place des Arts, où elle présentait, ce (samedi) soir, son spectacle Celle que je suis, même titre que son disque paru l’an dernier. Après un solo de percussions joué un peu à l’extérieur du cadre de la scène, voilà que la chanteuse nous arrive par la salle, dont elle descend les marches en saluant presque personnellement les spectateurs heureux de la voir d’aussi près. Bonne idée du metteur en scène Joël Legendre ! Mais, était-ce bien nécessaire de commencer avec une chanson en anglais, I (Who have nothing) ? Une star internationale comme Céline Dion qui fait carrière aux États-Unis adapte son répertoire quand elle chante au Québec et Geneviève Leclerc, elle, commence son spectacle en chantant en anglais… Discutable.
Intense, elle passe à la dramatique Tue-moi qu’elle sait faire avec nuances, en soulignant intelligemment les mots-clés du texte. Suivront deux titres de Portfolio, son précédent album : What’s up, un tube des années 90 et Parlez-moi de lui, un succès qui remonte aux années 60. Impeccable, outre quelques passages un peu nasillards. Visiblement heureuse de l’accueil très chaleureux du public dans cette salle bien remplie, elle se laisse aller à un peu plus de légèreté avec sa version rythmée et jazzy de J’attendrai, une chanson qui a plus de 80 ans ! Puis, elle marque un temps très fort en émotion avec Je n’t’aime plus. «Tu m’as largué comme un déchet Comme on méprise sans raison Un détenu… Tu l’as cherché tu l’as voulu Je n’t’aime Plus». Comme elle a de l’autorité, Geneviève, quand elle navigue en ces eaux trouble ! On l’ovationne !
Théâtre musical
Après nous avoir présenté de petites boîtes à musique qui ont stimulé son imagination depuis l’enfance, elle parle de sa fascination envers le théâtre musical. Pour ce segment du spectacle, elle aurait aimé arriver du plafond et descendre un escalier de verre, mais «mon gérant m’a plutôt accordé un rideau rouge et un collier», blague-t-elle, en guise de présentation de Diamonds are a girl’s best friend, suivie de Big spender. Peu d’interprètes pourraient, comme elle, se permettre alors d’enchaîner avec la déchirante Je suis malade, avec laquelle elle avait fait grande impression à La Voix, en 2016.
Durant l’entracte, on se dit qu’en plus d’avoir toute une voix et de savoir l’utiliser, Geneviève a, sur scène, l’assurance des vieux routiers, l’intensité des monstres sacrés et un réel sens de l’auto-dérision. En fin de soirée, elle fera même entendre l’enregistrement d’une voix lisant de nombreuses critiques lui reprochant d’être trop intense. Jouant le jeu, elle s’engage à nous démontrer qu’elle peut aussi être frivole, mais elle lance des airs légers qui débouchent invariablement sur des chansons sombres. Elle passe, entre autres de Ça va bien (Kathleen) à Ma vie c’est d’la marde (Lisa LeBlanc); de Papaoutai (Stromae) à Papa, can you hear me (Streisand); de Chante-là ta chanson (Jean Lapointe) à Je ne suis qu’une chanson (Ginette Reno). On rit de bon coeur et on constate qu’elle est à l’aise dans tous ces styles et très bien épaulée par trois musiciens et une choriste, sous la direction du pianiste Nick Burgess.
Et maintenant (Bécaud), Avec le temps (Ferré), etc. , la Gatinoise sait se mesurer à ces monuments. «C’est au coeur de ma voix qu’on me trouvera… J’y arriverai tôt ou tard», chante-t-elle, avant de terminer la soirée magistralement avec Non, je ne regrette rien (Piaf). Ce qu’on lui souhaite, maintenant, c’est d’ajouter à son répertoire, des pièces originales qu’on identifierait comme les siennes, car au-delà de la voix, les chansons forgent la place qu’un interprète occupe dans le coeur du public. Avec la détermination dont fait preuve Geneviève Leclerc, ça ne devrait plus tarder.
Geneviève Leclerc
Comme je suis
5e Salle de la Place des Arts, 19 octobre