Un nouvel album de Jacques Michel est en soi un événement, surtout qu’il n’avait pas gravé de titres inédits depuis près de 35 ans ! Première constatation : la voix de celui qui a composé plusieurs classiques de la chanson québécoise, dont Amène-toi chez nous et Un nouveau jour va se lever, est toujours belle, juste et puissante.
Ce disque prend des allures de bilan pour l’artiste de 78 ans. En effet, Tenir s’ouvre avec la rythmée Odyssée, qui raconte les ambitions d’un être au début de sa vie et il se termine avec un clin d’oeil à son succès Sur un dinosaure (1968). Aujourd’hui, Jacques Michel chante Mon dinosaure est fatigué, un texte fascinant où il pose un regard tendre sur le jeune homme qu’il a été, en remerciant le public de l’avoir aimé.
À prime abord, les thèmes de Tenir semblent très personnels, ce qui ne les empêche pas de rejoindre l’universel, qu’il s’agisse de Mon modèle, un hommage aux personnes qui nous incitent à nous dépasser, ou Serais-tu fière de lui, où un homme interroge une défunte, en lui demandant si elle est fière de celui en qui elle a cru. Frissonnant !
Y’a des jours comme ça, véritable chronique du quotidien, s’avère une ballade franchement accrocheuse, portée par de subtils choeurs. Un peu dans le même registre d’émotions, Tu m’disais raconte avec finesse le passage de l’amour-passion à la tendresse. Très réussi !
Parmi les chansons plus rythmées, Le temps c’est d’l’argent permet à l’auteur-compositeur-interprète, toujours un peu contestataire, de décocher quelques flèches : «Le pouvoir fait des règles qui ne servent que ses intérêts». Éternel insoumis, le septuagénaire chante A la vie comme à la guerre : «Nous avançons, narguant la mort!» Quant à la chanson-titre, elle raconte les rêves de ceux qui ont porté les deux référendums sur la souveraineté du Québec, avant de conclure : «Tenir le coup, malgré nos blessures et nos pertes… et refuser de disparaître».
La très entraînante Partir n’est pas sans rappeler la belle légèreté de son succès Voyez-vous le temps qu’il fait ? avec une enveloppe sonore d’aujourd’hui. D’ailleurs, la beauté de cet album repose, en bonne partie, sur l’excellent travail du réalisateur et arrangeur Andre Papanicolaou, dont on a déjà pu apprécier les talents auprès de Patrice Michaud, Vincent Vallières, Pascale Picard etc. Cet homme orchestre est aussi aux claviers, à la basse, aux guitares et aux choeurs, alors que Simon Blouin est à la batterie et aux percussions.
Tenir : un disque inespéré et une très belle surprise de notre rentrée culturelle ! De plus, Jacques Michel prépare une tournée, dont le coup d’envoi est prévu pour février prochain.
Tenir – Jacques Michel
3,5 / 5