«Une pièce de théâtre sur la proche aidance et le deuil…» C’est ainsi que l’autrice Camille Paré-Poirier résume son spectacle relatant ses échanges avec sa grand-mère, durant les dernières années de la vie de cette dame aux prises avec des troubles cognitifs. Sur scène, la comédienne nous présente des conversations avec son aïeule, enregistrées avec la permission de cette dernière et elle s’interroge sur son expérience de proche aidante. Après avoir créé le balado Quelqu’une d’immortelle, l’artiste a porté ce récit, lors d’une première série de représentations au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, en 2023. Cette année, Duceppe présente à son tour Je viendrai moins souvent, du 23 au 27 avril, sur la scène de la Cinquième Salle.
Souvenirs vivants
Originaire de Québec, Camille a 22 ans quand elle emménage à Montréal. De son côté, sa grand-mère Pauline entre en CHSLD à l’âge de 92 ans. Chacune vit un déracinement, une perte de repères. Poussée par une intuition, Camille enregistre ses visites et collecte les paroles de Pauline. Pendant près de quatre ans, les deux femmes apprivoisent ensemble l’inévitable, au rythme des jours, des oublis et de l’effritement du temps.
Ces enregistrements audio ont été réalisés entre 2017 et 2021 et même s’ils sont parfois drôles, ils témoignent d’une accélération des pertes cognitives de Pauline, souligne l’autrice. «Il n’y a jamais eu de diagnostic d’Alzheimer comme tel, mais il est évident qu’elle a pris conscience du fait qu’elle perdait contact avec la réalité.»
Plus encore, durant la pandémie, leurs entretiens se faisaient par téléphone. Pratiquement coupée du monde comme tant d’autres aînés, la nonagénaire avait de plus en plus de difficulté à parler.
Malgré tout, la dame est restée fascinée par les chansons jusqu’à la fin de sa vie. «Nous écoutions, entre autres, Barbara et Yves Montand», précise l’autrice qui a choisi de cesser les enregistrements de ses conversations avec sa grand-maman, environ six mois avant le décès de cette dernière. «À cette époque, il n’était plus certain qu’elle était vraiment en mesure d’accorder son consentement.»
Heureusement, le temps leur aura tout de même permis de vivre une relation intergénérationnelle précieuse et grâce à ces enregistrements empreints d’une grande complicité, «les mots et la voix de Pauline continuent de vivre».
«Donner un sens à ce qui n’en n’a pas»
Camille Paré-Poirier a aussi choisi de diffuser dans son spectacle, des extraits audio qu’elle n’avait pas retenus pour son balado. «Ce sont des passages parfois plus difficiles que je ne voulais pas rendre disponibles en permanence», mais qui peuvent être partagés avec le public dans une représentation qui est forcément éphémère, résume-t-elle.
Chose certaine, nous sommes nombreux à avoir vécu la perte d’êtres chers, affectés par des troubles cognitifs et tout indique que la pièce Je viendrai moins souvent touche des cordes sensibles chez de nombreux spectateurs. On a d’ailleurs ajouté six supplémentaires, l’an dernier, à la salle Jean-Claude Germain.
«Bien sûr, un projet artistique, ce n’est pas une thérapie mais, ça donne un sens à quelque chose qui n’a pas de sens», conclut la comédienne.
Je viendrai moins souvent
Texte, interprétation et production Camille Paré-Poirier
Mise en scène et conseil dramaturgique Nicolas Michon
À la Cinquième Salle de la Place des Arts
Du 23 au 27 avril 2024
*Crédit photo : Valérie Remise