L’Astral était bien rempli en ce lundi soir et ce n’était pas pour suivre la soirée électorale ! Des musiciens qui ont joué avec Vic Vogel, il y a des décennies, s’étaient déplacés pour venir rendre hommage au chef d’orchestre, décédé le 16 septembre dernier. Comme on pouvait s’y attendre, la soirée a été riche en anecdotes savoureuses au sujet du célèbre musicien montréalais, reconnu pour son franc-parler. Au programme : rires, émotions et le plaisir d’écouter la quinzaine de musiciens qui composent aujourd’hui le très solide Vogel Jazz Club, dont les saxophonistes Dave Turner et André Leroux.
«Vic était toujours «game» !»
C’est l’animateur Winston McQuade qui a ouvert la soirée, rappelant son admiration pour Vogel qu’il a souvent interviewé dans différentes émissions. Puis, on a brièvement cédé la parole au tandem qui a dirigé le Festival de jazz de Montréal pendant 40 ans. Pour sa part, Alain Simard a souligné à quel point le grand Vic est lié à l’histoire du FIJM, où il s’est produit plus souvent que tout autre artiste, soit une cinquantaine de fois. Il y a joué avec des stars internationales dont Dizzy Gillespie, Maynard Ferguson et Cannonball Adderley. «Vic était toujours «game» !», affirme André Ménard. «Il pouvait parfois me parler un peu brutalement, mais il m’appelait encore récemment le «kid». Je l’en remercie !»
«Vic était pire que ma mère !»
Bien sûr, on a joué des pièces qu’aimait Vogel, dont l’entraînante Doggy bag de son album Hangin’ Loose. Ce public francophone et anglophone, enjoué et attentif savourait tout, jusqu’à la dernière mesure, avant de faire entendre ses «bravos» et ses «yeah!» Tromboniste, saxophoniste, contrebassiste, les musiciens étaient tour à tour invités à venir jouer un solo, après avoir raconté une anecdote au sujet du disparu. Avec émotion, le trompettiste Ron Di Lauro s’est souvenu que, lorsqu’il était dans la vingtaine, il allait voir Vic Vogel et son Big Band au El Casino, rue Ste-Catherine. «Je me disais : il faut absolument qu’un jour, je fasse partie de ce groupe ! Puis, un peu par hasard, j’ai remplacé un trompettiste à la dernière minute et je ne savais pas que je devais porter un t-shirt noir. Vic a enlevé son t-shirt et me l’a lancé. Voilà, ses musiciens étaient pour lui comme ses enfants. Il se souciait de chacun de nous, toujours inquiet pour nous, il était pire que ma mère!» Un autre musicien se rappelle qu’il avait oublié d’apporter un pantalon noir pour un concert où le Vic Vogel Big Band accompagnait la chanteuse Alys Robi. «Vic m’a prêté un de ses pantalons qui était beaucoup trop grand, mais on l’a bien attaché», se souvient-il en riant aux larmes.
Une page d’histoire
La soirée avait commencé avec la projection de vidéos où l’on voit Vic Vogel en spectacle avec un Big Band, il y a une quarantaine d’années. Déjà à l’époque, il dégageait une grande assurance, ce Montréalais né de parents hongrois et autrichien, en 1935. Il avait étudié le piano, mais tout indique qu’il était pratiquement autodidacte au trombone, au tuba et au vibraphone. Après avoir longtemps travaillé dans les cabarets, il a été directeur musical à plusieurs émissions telles que Music Hall, Les Couche-tard et Vedettes en direct. En 1976, il a signé une musique, construite à partir d’extraits d’oeuvres d’André Mathieu, pour les Jeux olympiques de Montréal. L’artiste, décédé à l’âge de 84 ans, aura inspiré plusieurs générations de musiciens et leurs vibrations étaient palpables, ce soir, à L’Astral.