Yvon Deschamps, pionnier de l’humour québécois, est sorti de sa retraite publique, hier soir (27 mai), pour venir applaudir Guylaine Tremblay qui lui rend hommage avec J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi. L’homme de 86 ans était assis au milieu du parterre du Théâtre Maisonneuve, une salle où il s’est lui-même produit plus de 500 fois ! Durant près de deux heures, il a écouté religieusement ce spectacle conçu comme une autobiographie de Guylaine Tremblay entrecoupée d’extraits de chansons de Deschamps qu’elle idolâtre depuis toujours.
La vie de Guylaine et des chansons d’Yvon
Jsais pas comment, j’sais pas pourquoi a le grand mérite de nous permettre de réécouter ou de découvrir de merveilleuses chansons écrites par le célèbre humoriste dont Aimons-nous, La vie, Le bonheur ou Seul dont la musique a été composée par Serge Fiori. La comédienne a eu pour coach vocal nulle autre que l’inoubliable collaboratrice d’Harmonium, Monique Fauteux et ça s’entend !
D’autre part, le public a envie d’en savoir davantage sur la vie de Guylaine Tremblay qui est entrée dans les foyers québécois par le biais de La p’tite vie il y a une trentaine d’années et qui n’a pas quitté le petit écran depuis.
Elle a aussi joué des rôles mémorables au théâtre, entre autres, dans des pièces de Michel Tremblay. Comment la fièvre des planches a-t-elle atteint cette artiste née bien loin des feux de la rampe, dans Charlevoix ?
Les textes de ce spectacle qu’elle a coécrits avec Michel Poirier, sont habilement tournés et déclenchent des rires, car on s’y reconnaît souvent.
Dans ma cour
En lançant la soirée avec Dans ma cour, Guylaine Tremblay nous entraîne dans le milieu modeste où elle a grandi, entourée de parents aimants qui ont nourri son imaginaire. On ouvre même son journal intime de jeune fille qui écrit à Yvon Deschamps pour lui déclarer son amour !
Quelques années plus tard, à l’époque du Donald Lautrec Show, elle découvre une version du classique des Beatles With a Little Help from my friends dont l’adaptation française est signée par Deschamps !
Dans sa candeur d’enfant, elle n’en revenait pas que John Lennon et Paul McCartney écrivent avec Yvon Deschamps pour Donald Lautrec ! On nous montre même, sur un grand écran, ce 45 tours de Lautrec, où l’on peut voir clairement alignés les noms de Lennon, McCartney et Deschamps !
La vie est belle
À la fois rêveuse et rebelle, elle se rappelle avoir tenté de convaincre sa famille de boycotter Cadbury, lorsque le confiseur a annoncé la fermeture de son usine de Montréal en 1978, pour transférer ses activités en Ontario. C’est l’occasion de chanter La vie est belle où Deschamps dénonce les discours mensongers du capitalisme.
Elle se souvient avoir senti l’appel de la scène en regardant son idole en entrevue avec Lise Payette. Elle retient alors que l’artiste a grandi dans un quartier pauvre de Montréal et que cela ne l’a pas empêché d’atteindre des sommets.
Elle demande alors à un gars de son école, un certain Robert Lepage, comment s’inscrire au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Elle nous rejoue même la scène qui lui a permis d’être acceptée dans ce temple du théâtre.
Tout s’enchaîne harmonieusement dans cette mise en scène rythmée de Michel Poirier. La plupart du temps, Guylaine Tremblay s’en tient à des extraits des quinze chansons au programme. Elle est délicatement accompagnée par Michael Pucci (guitare), Patricia Deslauriers (contrebasse), et Francis Covan (violon et accordéon), sous la direction de Jean Fernand Girard (piano).
Rire ou pleurer
La conteuse se rappelle de la visite d’une tante scandalisée par la photo de John Lennon et Yoko Ono nus. Cette anecdote sert d’introduction à la jouissive Les fesses, reprise en chœur par les musiciens. On rigole sur scène et dans la salle.
Certains monologues laissent toutefois perplexes, dont celui sur la première rupture amoureuse de Guylaine et surtout la longue description des maladresses des embaumeurs d’autrefois. Si Deschamps et d’autres grands humoristes ont réussi à nous faire rire en se moquant de la mort, cela demeure un sujet délicat.
Papa
Parmi les temps forts de la soirée, il y a celui où la comédienne admet le chagrin qu’elle a eu de ne pas pouvoir donner naissance, en rappelant que l’amour reçu de ses parents lui a toujours permis de garder son équilibre, malgré les moments difficiles.
S’adressant à ses deux filles adoptives, la maman résume ainsi la situation : je ne vous ai pas portées dans mon ventre mais on vous a déposées dans mes bras comme on le fait pour les papas. Quelle habile introduction à l’émouvante chanson de Deschamps : C’est un de tes plus grands jours / Tu viens au monde à ton tour / Quand ton p’tit boutte t’appelle papa.
Elle termine avec J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi et les lumières s’allument dans le Théâtre Maisonneuve où tout le monde peut voir Yvon Deschamps visiblement ému. On ovationne longuement ce monstre sacré de la culture québécoise ! Puis on quitte la salle en chantonnant : J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi / Mais j’voudrais toujours être là / Continuer pendant des années / Vivre de votre amitié. Bref, un spectacle-confidence à ne pas manquer !
J’sais pas comment, j’sais pas pourquoi sera présenté dans plusieurs villes du Québec au cours du mois de juin. La tournée reprendra cet automne avec une nouvelle escale à Montréal, au Théâtre Maisonneuve, le 20 novembre 2022.
Crédit photos : Jean-Charles Labarre
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