Pour sa 3e journée, le Festival International du Film Black de Montréal (FIFBM) retourne sur les lieux du lancement de la 15e édition et met les petits plats dans les grands : le tapis rouge est déroulé, des coupes de vin attendent l’audience et un photographe est présent pour mémoriser ces instants.
Au programme de la soirée, une conversation à cœur ouvert avec Yusef Salaam et Kevin Richardson.
Au printemps de l’année 1989, les vies de cinq adolescents, Yusef, Kevin, Corey, Raymond et Antron, changeront à jamais lorsqu’ils seront accusés à tort de la violente agression d’une joggeuse à Central Park. Malgré l’absence de preuves scientifiques les liant à la scène du crime et sans aucune considération de la manipulation utilisée pour forcer les adolescents à signer des confessions préfabriquées, Yusef, Kevin, Corey, Raymond et Antron seront jugés coupables et passeront tous entre 7 et 13 ans en prison.
Ce ne sera qu’en 2002 que le véritable coupable de l’agression, Matias Reyes, avouera le crime. En 2014, après plus de 10 ans de poursuites légales, la ville de New York paiera finalement un dédommagement de 41 millions de dollars aux cinq hommes. Toutefois, les années passées en prison, les souvenirs d’enfance qu’ils n’ont pas eus, les amitiés qu’ils n’ont pas créées, les rêves qu’ils n’ont pas réalisés et les menaces de mort qu’eux et leurs proches ont reçues tout au long de ces années, ne peuvent être rachetés.
Une courte projection des faits saillants de leur histoire, de leur accusation à leur exonération en passant par la couverture dans les médias de ce dossier, sera d’ailleurs présentée et accueillie avec des applaudissements.
C’est donc en toute connaissance de ces faits que la salle du Cinéma Impérial a ouvert le dialogue avec Yusef Salaam et Kevin Richardson.
Sur scène, les deux hommes commenceront pas remercier l’audience de leur soutien. Ils élaboreront plus tard sur ce sujet, expliquant comment leur représentation en tant que « parfaits vilains », fruit de siècles de discrimination et de criminalisation des populations noires, leur a permis des décennies plus tard d’avoir la plateforme qu’ils ont actuellement en s’accrochant à un seul élément : la vérité.
Au cours de la conversation, plusieurs questions auront trait au développement de leur résilience, à leur compréhension de leur situation lorsque les sentences ont été proclamées et à comment ils sont parvenus à trouver leur propre identité lorsque tout un pays semblait avoir décidé à leur place qui ils étaient et de quoi ils étaient capables.
Yusef et Kevin se prêteront au jeu et effectueront systématiquement un exercice d’introspection lorsqu’ils parleront du « système criminel d’injustice », comme ils ont renommé le système criminel judiciaire américain. Et lorsque la colère que l’on ne peut que ressentir lorsque l’on écoute leur témoignage gronde fort, la seule option qui se présente à nous diront-ils, et de prendre action pour changer nos communautés. Ces réponses résonneront avec le public, comme le prouveront les interjections d’approbation, les applaudissements et les standing ovations de l’audience.
Fabienne Colas, fondatrice du festival le dira elle-même, quoique le FIFBM soit officiellement un festival cinématographique, le festival est surtout une opportunité de partager les histoires oubliées ou travesties des communautés dites « minoritaires », de leur donner une voix, un nom et une dignité pour leur rendre justice. Mission parfaitement accomplie.
Photo: Yusef Salaam et Kevin Richardson