En récital de matinée à la Cinquième Salle, le phénoménal pianiste Martin Helmchen et son épouse violoncelliste Marie-Elisabeth Hecker ont offert un dialogue de chambristes à travers les saisons qui comportaient de la musique tchèque via Dvorák. (1841-1904), française via Fauré (1845-1924) et autrichienne via Schubert (1797-1828) c’est-à-dire là trois extraits de son Voyage d’Hiver (WinterReise).
Une sonate de Schnittke éblouit
Le clou de cette prestation musicale devant une salle comble fut la Sonate pour violoncelle et piano de Alfred Schnittke (1934-1998), une oeuvre contemporaine en trois mouvements magnétisants, tous contrastés d’effets sonores captivants de richesses harmoniques et enharmoniques.
Le toucher de Helmchen laissait toujours place à la prééminence de l’instrument de son épouse, soit une délicatesse de magie digitale et de chant à l’archet, prestation de haute voltige à tel point que le public n’a eu de cesse d’écouter ça avec fascination.
Helmchen radieux dans Mozart et Taylor dans Elgar
Samedi soir 16 août, 18h30 à la Maison Symphonique, un grand moment : nous avons écouté attentivement l’interprétation enregistrée devant public du 24ième Concerto pour piano et orchestre en do mineur de Mozart catalogué ou numéroté K.491 dans le catalogue Koechel.
Des consignes d’enregistrement
Un mot sur la clarté explicative des consignes. Si on veut enregistrer en silence parfait ce magnifique concerto de Mozart avec le rarissime Helmchen, on aura eu beau demander au public en français et en anglais de ne pas applaudir avant la fin de chaque pièce, si on ne lui explique pas à ce public clairement qu’un concerto est une forme à trois mouvements et que les trois mouvements ENSEMBLE font « la » pièce, le public applaudira à la fin de ce qu’il considère avoir entendu comme une pièce (mot entendu comme synonyme de morceau pour la personne moins initiée!).
Le soliste garde son sang-froid
On avait réussi à faire comprendre ça au public montréalais lors de l’enregistrement des deux concertos de Chopin avec Charles-Richard Hamelin, deuxième prix du Concours 2015, il y a plusieurs années à la Maison Symphonique. Donc, si on ne prend pas 20 secondes de plus pour exprimer en anglais et en français que la forme concertante comporte plusieurs mouvements (à vitesses variables là aussi le mot mouvement pour le bon coeur du public novice ça flotte d’imprécisions) on aura des applaudissements à chaque pause! Et c’est ce que Martin Helmchen a dû endurer sans omettre de songer que peut-être des spectateurs ne parlent ni anglais ni français en arrivant ici…
Cadences brillantes d’invention
De toute manière, l’essentiel est que Martin Helmchen nous a offert une superbe interprétation et des cadences originales brillantes d’invention dans le contexte des bébés ou mioches qui pleurent ou se lamentent dans un coin du parterre au sein d’une acoustique où l’écho d’un programme glissant depuis votre chaise sur le sol s’entend à 50 mètres à la ronde.
Il y a eu pire, dans le cadre des parents qui laissent leur enfant de 4 ans batifoler ou galoper sur sept ou huit bancs vides dans une rangée comme si c’était un parc d’amusement pendant que maman ou papa panique de n’avoir pas apporté un jeu vidéo pour neutraliser le rejeton dans un coin de l’univers … On oublie ça, autant qu’on peut, on espère de gros yeux envers le mioche et Martin Helmchen et l’orchestre et notre chef apparaissent en figures de héros ou héroïnes.
La chanteuse Best Taylor scintillante en bleu nuit
L’imposante cantatrice dite mezzo-soprano Beth Taylor en ses couleurs bleu nuit et son firmament est une bien plus évocatrice contralto, à la façon grandissime de Birgit Nilsson que nous avions entendue à Montréal en gala d’opéra grâce à la regrettée madame Jacqueline Desmarais. En somme, rien de moins spectaculaire suivait que ses interprétations selon les conclusions du programme musical que les Sea Pictures opus 37 de Sir Edward Elgar (1857-1934) apportaient.
Prodigieusement, le public a exprimé son enchantement après chacun des 5 mouvements et la soirée se poursuivit en ravissements et hourras mais nous étions invités sous un autre programme et d’autres artistes à la séance de 20h30.
Temps de flânerie
Tout ce qui se passe de gratuit tout autour dépasse parfois notre temps de flânerie pour se refaire chaque fois une disponibilité et une authentique virginité de réception musicale disposée à entendre et écouter, soit vraiment deux choses complémentaires avec le plus puissant verbe qui est de comprendre. Mais ça grouille de musique tout partout cette Virée classique.
Une brillante Sinfonietta pour flûte et piano avec Timothy Hutchins et Goodwin Friesen
Le compositeur grec Mikis Theodorakis aurait eu cent ans cette année et son Concerto appelé Sinfonietta pour flûte, piano et orchestre à cordes en trois mouvements était bienvenu(e) du public de l’Hellade fort présent dans la Maison Symphonique.
Timothy Hutchins, le flûtiste-étoile et le pianiste gagnant d’un récent Concours OSM ont interprété les parties solistes de cette Sinfonietta concertante de belles textures et composition.
Sinfonietta comme chez Bohuslav Martinu
Un compositeur tchèque peu joué à Montréal, Bohuslav Martinu (1890-1959) élève de Ravel, mais un musicien de vif intérêt a lui aussi composé sous les vocables de Sinfonietta Giocosa un véritable concerto de rarissime beauté pour piano dans un style mélodieux et survolté de rythmes dansants (étiquette Supraphon, Orchestre de Prague dirigé par Ridi Bohumil et avec le pianiste réputé Jan Panenka).
Theodorakis réalise lui aussi ici, une semblable Sinfonietta rythmée, entraînante, bien jouée en dialogues multiples entre l’évocateur ou expérimenté Hutchins et l’habile jeune Goodwin Friesen en début de carrière, alors que l’orchestre sous le bâton de Rafael Payare restait à la hauteur du défi et le public de 20h30 silencieux comme une taupe, soit tout autre que celui de 18h30.
Une mémorable Pastorale de Beethoven
Pour clore le programme devant une salle vraiment comble et un choeur tout rempli de jeunesses mélomanes, les cinq mouvements si rassérénants d’une légendaire Symphonie pastorale de Beethoven enregistrée d’autorité par Payare, sur place in vivo, elle aussi, mais cette fois sous des conditions acoustiques idéales de silence, de recueillement et d’écoute absolus.
Artistes
Rafael Payare, chef d’orchestre
Timothy Hutchins, flûte
Godwin Friesen, piano
Œuvres
Míkis Theodorakis, Sinfonietta pour flûte, piano et orchestre à cordes (22 min)
Ludwig van Beethoven, Symphonie no 6 « Pastorale » (38 min)































































