La Mouette, l’une des pièces les plus connues de l’écrivain russe Anton Tchekhov, renaît au Théâtre Prospero dans une adaptation québécoise souvent désopilante, mise en scène par Catherine Vidal. À son arrivée dans la salle tout enguirlandée, le public est entraîné sur la scène et accueilli par les comédiens eux-mêmes qui servent du maïs soufflé et de la barbe à papa, dans une ambiance de fête foraine. Puis, le spectateur est invité à regagner son siège et redevenir seul dans le groupe, tel un voyeur devant la tragique histoire d’amours impossibles et de désillusions qui sera jouée devant lui par dix acteurs très investis dont Renaud Lacelle-Bourdon et Macha Limonchik.
L’adaptation cinglante de Guillaume Corbeil transpose le désenchantement de la société russe du XIXe siècle dans le Québec d’aujourd’hui. C’est ainsi que Medvedenko, modeste enseignant, est incarné par l’hilarant Simon Beaulé-Bulman qui nous parle de ses REER et du prix du pain. Olivia Palacci n’est pas en reste en Macha désabusée qui sourit exagérément quand on lui demande si elle est heureuse, elle qui s’habille toujours en noir, car elle porte le deuil de sa propre vie. Dans cet univers où l’on a perdu ses repères, on cherche parfois des réponses dans le magazine Clin d’oeil…
Plusieurs drames se déroulent simultanément dans un enchaînement de situations tragi-comiques, portées par une distribution de haut niveau. D’une part, La Mouette est le symbole de la vie brisée de Nina, (Madeleine Sarr). La jeune femme qui veut devenir une grande comédienne n’arrivera jamais à prendre son envol vers le succès tant espéré, elle qui est pourtant aimée par Konstantin (Mattis Savard-Verhoeven) qui lui a écrit une pièce. Cependant, Nina choisit de s’enfuir avec Trigorine (Lacelle-Bourdon), un écrivain reconnu qui est aussi l’amant de la mère de Konstantin.
Ce dernier est un être tourmenté qui voudrait que sa génitrice (Limonchik), une actrice imbue d’elle-même, finisse par reconnaître sa valeur. Plus encore, le jeune homme est meurtri par la trahison de Nina qui l’a laissé tomber pour un auteur à la mode, en croyant ainsi augmenter ses chances d’atteindre la célébrité.
Derrière ces relations toxiques, on peut aussi voir les obstacles érigés devant les jeunes artistes qui tentent de se tailler une place. Alors que Nina, actrice en devenir, sera rejetée par son entourage, Konstantin qui s’essaie à l’écriture finira dans le désespoir, terrassé par le mépris de sa célèbre mère. Alors, comment espérer qu’une nouvelle génération d’artistes puisse trouver sa place, semble dire Tchekhov.
À ce chapitre, il est intéressant de souligner que Catherine Vidal pose un geste symbolique intéressant, en laissant la jeune Sophie El-Assaad orchestrer une scène du spectacle, soit : la pièce de théâtre jouée par Nina dans l’acte 1.
D’hier et d’aujourd’hui
Montée pour la première fois, en‘adaptation rafraîchissante de cette grande pièce en fait une réussite sur toute la ligne!
Le problème, c’est que les représentations affichent complet. On peut toutefois s’inscrire sur une liste d’attente. Si des billets se libèrent, le Prospero pourra vous contacter pour vous les proposer.
À noter que cette production sera aussi à l’affiche à Ottawa, présentée par le Théâtre français du Centre national des Arts, du 11 au 13 avril.
La Mouette
Texte
Anton Tchekhov
Traduction
André Markowicz, Françoise Morvan
Adaptation et collaboration dramaturgique
Guillaume Corbeil
Mise en scène
Catherine Vidal
Avec
Simon Beaulé-Bulman, Nathalie Claude, Frédéric Desager, Renaud Lacelle-Bourdon, Macha Limonchik, Igor Ovadis, Olivia Palacci, Daniel Parent, Madeleine Sarr, Mattis Savard-Verhoeven
Au Théâtre Prospero, jusqu’au 30 mars.