Pourquoi le Québec a-t-il perdu la moitié de ses fermes laitières en vingt ans ? D’où vient la détresse des travailleurs de cette industrie qui vont jusqu’au suicide ? Et nous les consommateurs, que savons-nous des produits laitiers que nous achetons? Ce sont des questions qui ont amené l’auteur Justin Laramée à sillonner la Belle Province, pour interroger des producteurs et transformateurs laitiers et même certains ministres. Après avoir présenté son spectacle à Québec, le comédien s’installe à La Licorne pour livrer les résultats de son enquête sur un ton mi-sérieux, mi-comique, où le théâtre documentaire prend des airs de stand-up.
Cinq ans de recherches
L’idée du spectacle Run de lait est née en 2016, alors que Justin Laramée a vécu une rencontre déterminante dans le cadre du OFFTA, festival montréalais d’arts vivants qui se déroule en marge du Festival TransAmériques. C’est dans ce contexte que l’artiste a participé avec Ginette Lafleur, spécialisée en psychologie communautaire, à un projet traitant de détresse psychologique chez les producteurs laitiers. L’auteur a ainsi eu accès à des lettres de suicide, laissées par certaines de ces personnes.
Bouleversé par ces drames humains, Justin commence à rencontrer différents travailleurs du secteur laitier qui se confient à lui. De fil en aiguille, il posera ses questions à des producteurs, des transformateurs et même à la ministre de l’Agriculture du Canada Marie-Claude Bibeau et son homologue québécois André Lamontagne.
L’utile et l’agréable
Sur scène, le comédien intègre à ses propos des extraits d’entrevues qui sont retransmis grâce à plusieurs haut-parleurs; il n’y a pas de vidéo. Même s’il faut s’attendre à ce qu’il révèle des aberrations à travers quelques moqueries, Laramée insiste : «Je ne suis pas dans une posture accusatrice.» Le but de l’exercice est d’amener le public à se demander : «maintenant que j’en sais davantage sur les dessous de l’industrie laitière, est-ce que je peux contribuer à changer le cours des choses ?»
Durant deux heures, l’enquêteur-artiste rend compte de ce qu’il a appris sur la production, les normes ministérielles, la transformation, les quotas, l’entrée au Canada de produits américains douteux et même sur la vie des vaches et de leurs veaux. «Oui, le sujet est complexe, mais je me sens tout de même plus proche du stand-up comique que du déploiement dramatique.»
Gars des villes et gars des champs
«Je ne suis pas un gars de la campagne. Je suis né dans une ville de banlieue et j’habite à Montréal depuis longtemps. Mais, ce sujet s’est en quelque sorte imposé à moi, tellement il est fascinant et lié à notre consommation quotidienne !» Cela dit, Laramée fait équipe avec Benoît Côté à la conception sonore et il apprécie les points de vue éclairants de ce dernier en matière agroalimentaire. Côté doit d’ailleurs hériter, éventuellement, d’une ferme de 400 hectares. «Nous sommes le gars des villes et le gars des champs», résume Justin en évoquant une célèbre fable de La Fontaine.
On se doute bien que tout n’est pas toujours blanc chez le laitier. Laramée a fait un long travail de recherche et de synthèse pour aider le public à y voir plus clair. Oyez, oyez, braves gens ! La Run de lait fait maintenant escale à Montréal !
Run de lait
Texte et idée originale Justin Laramée
Co-mise en scène Olivier Normand et Justin Laramée
Avec Justin Laramée accompagné de Benoît Côté à la conception sonore
Au théâtre La Licorne
Du 22 novembre au 17 décembre 2022
*Sur les photos : Justin Laramée / Crédit : Stéphane Bourgeois