La célèbre violoniste allemande Anne-Sophie Mutter est apparue radieuse dans sa longue robe de soirée aux lignes distinguées, sur la scène elle-même joliment fleurie, sans doute pour l’occasion de sa présence à la Maison Symphonique vendredi soir le 15 mars dernier.
Munie d’un de ses deux précieux Stradivarius, elle a offert avec son fin et courtois accompagnateur, le pianiste Lambert Orkis, un riche programme de deux sonates pour violon et piano de Mozart (K.304 et K.454), la troisième sonate de Debussy, la seconde sonate de Ravel avec ce fameux mouvement marqué Perpetuum Mobile et, enfin, rien de moins que la joviale sonate pour violon et piano de Francis Poulenc.
Née en 1963, madame Mutter au teint encore si jeune cumule les distinctions et les prix musicaux. Elle fut une enfant prodige et la protégée du défunt chef allemand Herbert von Karajan ce qui n’a pas pu trop nuire à sa carrière. La délicatesse et la finesse du son étudié et pénétrant qui émane de la violoniste respectée fut suivie avec finesse dans tous ses pianissimos et ses nuances de dynamiques et d’entrain par son accompagnateur émérite. Lambert Orkis, peu tapageur et fort délicat d’attentions pianistiques et d’écoute a, lui aussi, tout simplement transporté la foule montréalaise plus que jamais recueillie… comme lorsque seuls des experts en musique remplissent une salle.
Près de mille cinq cents personnes conserveront donc en mémoire cette élégance de raffinement musical et ils furent récompensés de deux rappels dont un fut une première mondiale d’une des neuf pièces pour violon et piano qu’André Prévin (tour à tour grand pianiste ou chef ou compositeur et son ami hélas mort récemment) avait composées pour elle. Le haut moment de la soirée fut, à mon avis, les sonates de Debussy et de Ravel, dans ce dernier cas au moment du mouvement intitulé Mouvement Perpétuel qui a toujours ce tempo spectaculaire d’exécution. Pour ce qui a trait au Poulenc, il fut attaqué d’emblée avec détonations manifestes (Lambert Orkis a retenu ses mains et laissé la violoniste se réinstaller dans l’atmosphère en sa tonalité) mais tout l’esprit de la musique s’y trouvait quand même serti de ses accentuations précieuses et grotesques, bien entendu.
Peu de gens connaissent l’humour de la musique de Poulenc mais ce programme de musique française et allemande de madame Mutter montre à quel point cette grande dame (qui ne s’est exprimée au public qu’en anglais ) est versatile. Il ne manquait que le déchirant Poème pour violon d’Ernest Chausson pour fanatiser à jamais tout auditeur, mais la soirée restera une des plus belles pour les mélomanes et abonnés de Pro Musica qui chapeautait l’événement tenu dans la salle louée à l’Orchestre symphonique de Montréal.
Photo: OSM