Il est rarissime que le succès d’une pièce soit si absolu que les éloges ressentis et exprimés soient unanimes! Cela s’appelle un triomphe, un événement rarissime au théâtre: c’est aussi un mot bien choisi puisque Le Boulevard présenté au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 2 novembre redonne foi et anoblit le genre humain si malmené de désillusions.
Un rôle primordial d’entraide et de sincérité
Le jeune Chris (joué par le désormais inoubliable Alexandre Lagueux) est le personnage central de cette pièce émouvante qui rassérène et bouleverse un public attendri d’humanité inconditionnelle. Et serait-il un autiste simple d’esprit (ou comme il se disait naguère d’un « bienheureux »), Chris déploie tant d’amour sur scène et tant d’espoir de réunir autour de lui une petite société aimante, valorisante, qu’à lui seul il magnétise un public entier à la merci de ses lèvres de but en blanc et, on conserve, de son tendre visage sincère d’enfant abandonné, l’image d’un rescapé des affres de notre monde.
Pièce éclatante tirée d’un roman de Jean-François Sénéchal
Depuis Les Fées ont soif (1977), les années m’ont appris à ménager mes enthousiasmes pour les très grandes occasions triomphales au théâtre, mais Le Boulevard, en cette production, indéniablement en est. Tous les rôles féminins (Paméla Dumont, Nathalie Mallette, Louise Cardinal) sont admirablement joués. On peut en dire tout autant des rôles de soutien des amis ou familiers ou comparses masculins (Cédrik Tremblay-Maltais, Sébastien Rajotte, Félix-Antoine Duval, Claude Despins) qui entourent ce puceau Chris, délaissé par sa mère qu’il vénère beaucoup trop, enfin plus que tout ce qui existe au monde: cet enfant autiste hypersensible, vraisemblablement rejeté par son père, déploie un cœur irrésistible.
Quatre acclamations survoltées, puis des comédiens fêtés
La recherche de l’amour salvateur qui galvanise la jeunesse à espérer ce premier tendre baiser qui met au monde l’âme, une nouvelle ou véritable première fois, nous rappelle ce que nous avons chacun vécu. Enfin pour celui qui veut naître véritablement à l’existence, ce symbole d’amour est le thème central. Sans que je raconte l’affabulation et son dénouement, c’est un récit d’aventures et de confidences filiales, de rapprochement et d’encouragement à celui qui, apparemment handicapé, triomphe des défis que la violence du monde en fréquentes délinquances lui posent.
À ne pas manquer, certes
Au soir de Première, l’émotion fut si générale, que personne ne voulait partir: les comédiens s’extirpèrent des loges, vinrent recevoir l’affection du public, de la presse, des amis accourus à ce triomphe. C’était, ce lundi 7 octobre, au Rideau Vert, un jaillissement d’Humanité que chacun voulait célébrer, celle tant attendue qu’on amuït et empêche de manifester sa solidarité, cette force d’amour qui effraie tout partout le pouvoir. S’il est une pièce, une fois dans votre vie, que vous dussiez espérer voir, c’est bien celle-là.
Photos © David Ospina
Au Théâtre du Rideau Vert à Montréal jusqu’au 2 novembre.
D’APRÈS LE ROMAN DE Jean-François Sénéchal
ADAPTATION Frédéric Bélanger ET Jean-François Sénéchal
MISE EN SCÈNE Frédéric Bélanger
ASSISTANCE À LA MISE EN SCÈNE Marie-Hélène Dufort
AVEC
Louise Cardinal, Claude Despins, Paméla Dumont, Félix-Antoine Duval, Alexandre Lagueux, Nathalie Mallette
Sébastien Rajotte, Cédrik Tremblay-Maltais
CONCEPTION DÉCORS
Francis Farley-Lemieux
COSTUMES
Jonathan Beaudoin
ÉCLAIRAGES
Nicolas Descoteaux
VIDÉO
Christian ET Mathieu Lalumière MUSIQUE
Sébastien Langlois
ACCESSOIRES
Julie Measroch
MAQUILLAGES ET COIFFURES
Sylvie Rolland Provost
CHEFFE HABILLEUSE
Geneviève Chevalier