Le Théâtre Jean-Duceppe y va d’une deuxième pièce de Nathalie Doummar en deux mois. Après Mama, en ouverture de saison, revoici Le loup, qui avait été créée en formule 5 à 7, chez Duceppe, en 2020. Les comédiens Maude Guérin et Luc Senay défendent courageusement ce texte qui, hélas, est loin d’être à la hauteur de leur talent.
Le carton qu’on nous remet en guise de programme résume en deux phrases ce que Doummar met une grosse heure à raconter. Il est question d’un homme atteint de la maladie d’Alzheimer qui «profite d’un moment de lucidité» pour reconnaître ses torts dans sa relation avec celle qui est sa femme depuis plus de trois décennies.
Le mari au pilori
En fait, dans l’esprit de Doummar, le mari a tous les torts. Premièrement, Donald avait 30 ans quand il s’est emparé de la vie de Solange qui en avait 18. Il a par la suite fait en sorte qu’elle tombe enceinte une quatrième fois pour éviter qu’elle sorte du foyer familial et qu’elle soit tentée de refaire sa vie avec quelqu’un d’autre. Il savait qu’elle était plus intelligente que lui et il craignait qu’elle s’en rende compte au contact de nouveaux amis. Par ailleurs, on croit comprendre que Donald a été un pourvoyeur convenable durant tout ce temps et qu’il est resté fidèle à Solange, tout en demeurant amoureux d’une autre femme qui ne l’aimait pas.
Quant à Solange, secouée par les révélations de son mari, elle réplique en affirmant l’avoir épousé par pitié, lorsqu’elle a réalisé qu’il n’avait pas été aimé par sa mère. Malgré son apparente grandeur d’âme, Solange est habitée par la rancune. Elle en veut à ses proches de ne pas l’avoir empêchée de plonger dans ce mariage voué à l’échec. Mais, pourquoi n’a-t-elle pas quitté cet homme qui l’a rendue malheureuse ? Parce que le toxique Donald a fait en sorte qu’elle a le sentiment de n’être plus rien en dehors de leur relation… évidemment !
Le sexagénaire propose alors à sa conjointe de partir refaire sa vie, pendant que lui termine la sienne. Mais, non, il est trop tard; elle n’a plus envie de se réinventer et c’est de sa faute à lui ! Elle le lui rappellera jusqu’à la fin de ses jours, en changeant ses couches quotidiennement. Bref, elle mourra en jouant les martyres.
On aura compris que dans cette histoire misérabiliste, l’Alzheimer n’est qu’un prétexte pour condamner le vilain mari qui s’accuse d’ailleurs lui-même de tous les maux : manipulateur, égocentrique, père absent, etc. Heureusement qu’il a pu compter sur Solange qui elle est, bien sûr, la fidélité et la bonté même. Tellement que Donald s’amuse à prononcer le prénom de sa femme en deux mots : sol et ange ! Quelle trouvaille !
De son côté, Solange surnomme son mari «mon loup» car, après tout, il a fini par la dévorer comme l’indique si subtilement (!) le titre du spectacle.
Comme si tout cela n’était pas déjà suffisamment sordide, les deux personnages discutent dans un décor insipide où trônent trois chaises, trois tables et trois lampes alignées. Pourquoi trois ? Allez savoir !
Quelques notes de musique ennuyeuses accompagnent banalement certaines transitions de cette pièce où il n’y a pas d’action. De ce fait, Chloé Robichaud s’en tient à quelques lents déplacements des protagonistes dans sa mise en scène cruellement statique !
En quittant la salle après cette condamnation du mari, chaleureusement applaudie par le public, je repensais à la chanson de Pauline Julien, Ne vous mariez pas les filles : «Quand ils (les hommes) sont beaux, ils sont idiots Quand ils (les hommes) sont vieux, ils sont affreux». Puisque les maris sont condamnés d’avance, le temps serait-il venu de chanter Ne vous mariez pas les gars ?
Porté par la réputation de ses interprètes chevronnés, ce spectacle terne part en tournée à travers le Québec.
Le loup
Texte : Nathalie Doummar
Mise en scène : Chloé Robichaud
Avec : Maude Guérin et Luc Senay (qu’on ne voit même pas sur le programme (!) de cette pièce où les deux personnages sont pourtant d’égale importance)
Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 30 octobre, puis en tournée jusqu’en mars 2023
Photo d’accueil : Maude Guérin et Luc Senay / Crédit : Danny Taillon