Alors que les tristes nouvelles sur l’état de santé d’André Gagnon ont finalement été révélées au grand public, il est à la fois émouvant et réconfortant d’entendre sa musique renaître, grâce au pianiste Stéphane Aubin. Ce dernier avait d’ailleurs rencontré le compositeur de «Wow», en 2009, pour lui demander la permission de monter le spectacle «Les 4 saisons d’André Gagnon», survolant les grandes étapes de la carrière du célèbre musicien de Saint-Pacôme, qui a lui même composé une oeuvre librement inspirée des «Quatre saisons» de Vivaldi.
C’est Kathleen Fortin qui prête sa voix à quelques unes des chansons dont Gagnon a signé les musiques, en commençant par «Les chemins d’été» (paroles de Luc Plamondon). On se demande pourquoi la chanteuse reste assise pour interpréter, un peu comme au piano-bar, ce tube de Steve Fiset qui témoigne pourtant du frénétique vent de liberté qui déferlait sur les années 70. «Dans ma Camaro je t’emmènerai sur tous les chemins d’été»… Décidément, la conductrice est très sage et il est difficile d’y croire lorsqu’elle chante «Dans la nuit noire à cent milles à l’heure, je t’en ferai voir de toutes les couleurs». Fortin a aussi la délicate tâche de reprendre certains des poèmes d’Émile Nelligan mis en musique par Gagnon pour ce qui est devenu le spectacle mythique «Leyrac chante Nelligan», enregistré en 1975. Si on est reconnaissant de retrouver enfin ces bijoux sur scène, il est toutefois déplorable qu’on perde beaucoup de mots. Bref, c’est surtout dans les airs de l’opéra Nelligan (Michel Tremblay, André Gagnon, 1990) que la belle et puissante voix de madame Fortin s’impose avec, entre autres, une interprétation bouleversante de «La dame en noir». On a d’ailleurs très hâte de voir Kathleen Fortin dans la reprise de l’opéra Nelligan, au TNM, l’an prochain, avec Marc Hervieux, dans le rôle de Nelligan âgé.
L’oeuvre de Gagnon est abordée avec respect et sobriété par le pianiste et arrangeur Stéphane Aubin dont on a pu apprécier les talents, notamment, dans «Les Belles-Sœurs», populaire théâtre musical, d’après l’oeuvre de Michel Tremblay. Vantant l’ouverture d’esprit d’André Gagnon qui a su créer des ponts entre les musiques classiques et populaires, monsieur Aubin souligne qu’il est lui-même entouré de musiciens d’horizons divers dont Maxime Lalanne, batteur, entre autres, pour Marie-Mai et le violoniste Antoine Bareil, collaborateur, notamment, des Violons du Roy. Le contrebassiste Dominic Girard et la violoncelliste Carla Antoun qui joue sur plusieurs enregistrements d’André Gagnon, complètent la formation. On croit presque rêver en redécouvrant la magnifique mélodie de «Pour les amants», (musique de Claude Léveillée enregistrée par Gagnon), disparue des ondes depuis si longtemps ! Le public nombreux au Théâtre Outremont a aussi chaudement applaudi le joli thème de l’émission «Des dames de coeur. Par contre, les pièces emblématiques «Wow» et «Neige» manquaient de coffre, d’énergie. En rappel: «Comme en vacances», une très accrocheuse relecture de Stéphane Aubin qui mériterait d’être enregistrée.
Enfin, on a droit à quelques archives audio d’André Gagnon, où cet homme de coeur confie, sans hésitation, ses goûts, ses priorités, en plus de raconter comment sa musique aura réuni les légendaires violoneux Jean Carignan et violoniste Yehudi Menuhin . Cela dit, il serait fort intéressant d’ajouter quelques archives vidéo du compositeur. Aussi, il faudrait au moins une pièce de l’album marquant «Les turluteries» (chansons de Mme Bolduc transposées dans un style baroque proche de celui de Jean-Sébastien Bach). Malgré ces réserves, «Les 4 saisons d’André Gagnon» est un spectacle unique par les temps qui courent et qui nous rappelle à quel point les musiques de «Dédé» sont gravées en nous.
Les 4 saisons d’André Gagnon
Avec Stéphane Aubin et Kathleen Fortin
Au Théâtre Outremont, le 5 avril dernier et en tournée au Québec, notamment, à Sherbrooke, Thetford Mines et Saint-Georges.