Érika Soucy présente du 9 au 20 avril prochain, l’adaptation théâtrale de son roman Les Murailles, au Théâtre Périscope, à Québec, dans une mise en scène de son grand complice Maxime Carbonneau. Avec un soupçon de poésie et une curiosité débordante, Érika amène les spectateurs aux fins fonds du monde rude et méconnu des chantiers du Nord, tout en cherchant à comprendre les humeurs et les absences prolongées de son père.
Résumé : Les murailles, c’est l’histoire d’Érika, une jeune poète ayant grandi sur la Côte-Nord où les hommes vivent au rythme du fly in fly out, système de travail leur permettant de revenir à la maison uniquement le temps des vacances. C’est au cœur du campement des murailles, érigé près de Romaine 2, que se rend la narratrice pour découvrir le quotidien des hommes qu’elle aime, particulièrement celui de son père, et comprendre enfin les raisons qui les poussent à délaisser leur foyer au profit de la vie de chantier. Parmi eux, Érika avance, ouverte et curieuse, dans cet univers nordique et surprenant d’humanité.
En 2016, Érika Soucy a publié Les murailles chez VLB éditeur : Ce roman est inspiré d’un voyage qu’Érika a fait en 2011 pour aller découvrir comment vivaient son père, son oncle, son frère et même son cousin, lorsqu’ils montaient travailler dans les chantiers hydroélectriques de la Romaine. Étant jeune, son père pouvait partir pendant 80 jours et revenir 20 jours à la maison. Ce fut une enfance difficile pour elle, ayant à vivre l’absence de son père, mais aussi à subir la présence de son père. Ce voyage, elle l`a fait pour tenter de voir ce qui pouvait tant attirer son père vers ces chantiers, au détriment de sa famille.
Pour me retremper dans cet univers particulier, j’ai relu quelques passages de son roman, avant d’aller voir la pièce. Ceux qui, comme moi, ont d’abord lu le livre, ils seront heureux de découvrir ces personnages colorés qui peuplent ce chantier de la Romaine. Ces personnages, on les aime immédiatement. Ils ont une belle humanité, une couleur unique à chacun, et malgré parfois leur franc-parler, leurs gaucheries, leur langage cru, ils sont accueillants (pour la plupart) et ils ont envie de se raconter à Érika qui est tout ouïe et les yeux éblouis par ce qu’elle voit. Érika nous décrit avec justesse le fonctionnement du chantier dans le Nord et on a l’impression d’y être vraiment avec eux. La poésie d’Érika est empreinte de beauté et de tendresse pour ces gens.
Car bien que la scène soit démunie d’accessoires et qu’il n’y a qu’un grand banc de cafétéria qui sert de décor, avec les jeux de lumière qui sont fabuleux, on a l’impression de voir ce chantier, de voir l’eau qui coule ici, de voir cet amas d’arbres qui se font couper, d’entendre le dynamitage au loin. (Il y a une trame sonore à l’occasion pour nous aider à recréer des endroits particuliers).
Parmi les moments forts de cette pièce, il y a entre autres la première scène, où Érika est sur le tarmac et attend que son avion prenne son envol. On entend le bruit des moteurs et le jeu de lumière nous fait croire qu’on est vraiment sur la piste. C’est à la fois beau et poétique, alors qu’Érika y va de ses monologues bien sentis, tels des poèmes et des émotions qui s’entremêlent. C’est à donner des frissons. Maxime Carbonneau a fait une superbe mise en scène qui a su mettre de l’avant les paroles de ce texte si riche et a permis d’embellir les descriptions, les émotions, par des jeux de lumière et quelques instants de musique appropriée au moment.
Pour ce qui est de la performance de jeu des acteurs, on ne pouvait demander mieux. Pour moi, Éva Daigle ressort du lot avec ses formidables interprétations de divers personnages, tous différents et qui font réagir la foule à chacune de ses apparitions. Mme Hydo est à mourir de rire dans son style désabusé avec sa petite voix nasillarde à l’occasion. Mais c’est Mindy que les gens adorent dès la première réplique, avec son accent d’Alma, son enthousiasme débordant, j’en aurais pris encore plus de la belle Mindy. Étonnamment, dans le livre, cette charmante dame est trop occupée pour jaser avec Érika, alors je crois que c’est un bel ajout à la pièce.
Gabriel Cloutier Tremblay est également très crédible dans ses divers rôles. Il est émouvant dans le rôle du frère d’Érika. Il est un peu baveux dans celui du boss de son père. Et il est franchement drôle dans le rôle de Josh, un peu trop sur la coke.
Érika Soucy qui joue son propre rôle est émerveillée à souhait. On la sent en contrôle de son texte et elle livre sa poésie avec passion dans ses monologues, tout en étant en parfaite harmonie avec ses acolytes dans les dialogues. Philippe Cousineau a su aussi créer des personnages forts, avenants et émouvants à l’occasion. Tandis que Jacques Girard en impose avec son personnage du père d’Érika. Il est déroutant parfois, avec ses montées de colères, mais on sent aussi qu’il espère se rapprocher de sa fille, sans trop savoir comment. C’est touchant de les voir ensemble. Ce sont les moments les plus électriques et où on sent les émotions à fleur de peau. Car tout se cache dans les non-dits. La scène finale est très touchante, justement par ce qui n’est pas dit dans le texte.
Au final, cette pièce est touchante, voire même inspirante. On se découvre une réelle envie d’aller faire un tour à la Romaine pour y découvrir en vrai ces personnages colorés, remplis d’humanité. C’est une pièce également très drôle, autant avec des répliques étonnantes que par des mimiques hilarantes.
Le roman est disponible pour achat auprès de la billetterie ou au bar du Théâtre Périscope.
Roman et adaptation théâtrale : Erika Soucy
Mise en scène : Maxime Carbonneau
Distribution :
Gabriel Cloutier Tremblay – dans les rôles de Martin, Josh et Ken (frère d’Erika)
Philippe Cousineau – dans les rôles de Conrad, Jean-Pierre, Gérard et Ti-Guy
Éva Daigle – dans les rôles de Mindy, Sonia, Secrétaire, Ti-Coeur et Mme Hydo
Jacques Girard – dans le rôle de Mario (père d’Erika)
Erika Soucy – dans le rôle d’Erika
Musique : Josué Beaucage
Costumes : Cynthia St-Gelais
Éclairage : Julie Basse
Direction de production et assistance à la mise en scène : Elsa Posnic
Direction technique et régie de spectacle : Cassandra Duguay
Accessoiriste : Étienne René-Contant
Compagnie : La Messe Basse
Présenté du 9 au 20 avril 2019
Au Théâtre Périscope
mardi et mercredi à 19 h / jeudi et vendredi à 20 h / samedi à 16 h salle Principale du Théâtre Périscope-2, rue Crémazie Est, Québecprévente:23$*|unefoislespectacleencours:36$*
*Taxes et frais de service inclus
Dès le début des représentations de Les Murailles et jusqu’à la fin de la saison du Périscope, l’artiste visuel de Québec Kaël Mercader exposera ses oeuvres sur les murs du foyer.
https://www.theatreperiscope.qc.ca/
crédit photos : Vincent Champoux