Les Polissons de la chanson, spectacle en hommage à Georges Brassens, était présenté pour la dernière fois, ce soir (17 juin), aux Francos de Montréal. Michel Rivard, Luc De Larochellière, Ingrid St‑Pierre, Valérie Blais et le duo Saratoga ont offert leur vingtième représentation au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Un peu plus de quarante ans après la mort de ce géant de la chanson française, on nous promettait de célébrer l’esprit libre de l’auteur-compositeur des Copains d’abord. Mais, les polissons ont-ils tenu leur promesse ?
Pour commencer, tous chantent J’ai rendez-vous avec vous. La bonne humeur règne sur scène et Michel Rivard ne tarde pas à nous rappeler ses talents de comique, en brandissant un «super 45 tours» de Brassens, qu’il a reçu en cadeau à l’âge de six ans. Sa description de cet objet plutôt rare aujourd’hui amuse les spectateurs qui ont connu cette lointaine époque.
Rivard insiste aussi sur le caractère sacré de sa main droite, puisqu’elle lui a permis de serrer la main de Brassens, en 1978, alors que le jeune québécois se produisait en première partie de Maxime Le Forestier, à l’Olympia. Blagueur, Rivard béni le public à sa façon.
Il livre aussi une fort belle interprétation de Au bois de mon coeur, accompagné d’un trio qui fera merveille durant toute la soirée : Mario Légaré (contrebasse), François Lalonde (percussions, vibraphone), sous la direction de Yves Desrosiers (guitare). On passe de très bons moments aussi avec Luc De Larochellière et Les Trompettes de la renommée, alors qu’Ingrid St-Pierre se voit confier l’une des plus belles mélodies de Brassens : Chanson pour l’Auvergnat.
Valérie Blais y va, entre autres, d’une adaptation québécoise de La Ronde des jurons. Quant au duo Saratoga (Michel-Olivier Gasse et Chantal Archambault), il se lance avec entrain dans La Chasse aux papillons, mais la chanteuse oublie les paroles !
Tout ce monde se déplace harmonieusement grâce à la mise en scène d’Alice Ronfard. Malgré ses atouts, il manque quelque chose à ce spectacle entrecoupé d’extraits audio où Brassens parle tantôt d’amitié, d’espoir et de ses doutes quant à l’existence de dieu.
Entre autres, on ne verra ni photo, ni vidéo de Brassens. On ne dit pratiquement rien de ses réalisations. On ne souligne même pas qu’il a reçu le Grand prix de poésie de l’Académie française, en 1967. Pas un mot, sur sa première visite à Montréal, en 1961, à la Comédie-Canadienne (aujourd’hui, le TNM). N’aurait-il pas été pertinent de souligner que Diane Dufresne est sans doute la seule artiste québécoise à avoir chanté (La chasse aux papillons) accompagnée de Brassens à la télévision, vers la fin des années 1970.
Pas un mot non plus sur la période où cet antimilitariste et anticlérical a signé, dans les années 1950, des articles de journaux virulents et controversés dénonçant tout ce qui porte atteinte aux libertés individuelles.
La censure d’aujourd’hui
En fin de soirée, Valérie Blais reprend l’irrévérencieuse Fernande en se réjouissant qu’aujourd’hui tout homme qui interpréterait cette chanson serait conspué. L’actrice va jusqu’à s’adresser à Brassens lui même en l’interpellant par son prénom qu’elle prononce à l’anglaise ! ?
Elle fait valoir que Fernande en a assez de ce texte, raison pour laquelle elle a changé un couplet qu’elle dédie aux femmes, en remplaçant le mot «bandaison» par «mouillaison». Blais chante alors «Quand je pense à Raoul, je mouille / Quand je pense à Nathalie, je mouille aussi / Quand je pense à Victor, je mouille encore…» Douteux.
S’il est évident que de nos jours la police de la bien-pensance fait régresser la liberté d’expression des hommes, n’est-il pas paradoxal de s’en amuser durant un spectacle qui est justement censé célébrer un homme reconnu pour son esprit libre ?
Le dictat féministe aurait-il aussi eu raison d’un des fleurons du répertoire de Brassens ? Une jolie fleur, n’était pas au programme ! Bref, des «polissons» bien soumis à la censure d’aujourd’hui ! Dommage !
Les Polissons de la chanson avec Michel Rivard, Luc De Larochellière, Ingrid St‑Pierre, Valérie Blais et le duo Saratoga
Spectacle présenté au Théâtre Maisonneuve dans le cadre des Francos de Montréal, le 18 juin 2022