La bordée de neige printanière n’a pas empêché des centaines de curieux d’envahir le Théâtre St-Denis, hier soir, pour la première tant attendue de la comédie musicale Les producteurs, adaptée par Serge Postigo. L’acteur québécois qui a joué près de 400 fois le rôle central de ce musical, en France, a réussi à donner une couleur québécoise à l’oeuvre de Mel Brooks qui a marqué l’histoire de Broadway. Un feu roulant de chansons et de chorégraphies endiablées se greffent à des sketchs qui se moquent éperdument du politiquement correct!
Un tandem redoutable!
La trame des Producteurs qui fut d’abord un film sorti en 1967, avant d’être un spectacle joué plus de 2 500 fois sur Broadway, n’épargne personne. Les femmes, les gais, les Juifs, les Allemands et, bien sûr, les producteurs de spectacles sont tournés en dérision.
Au coeur de l’action, on retrouve Max Bialystok (Serge Postigo), producteur au bord de la faillite et son comptable névrosé, Léo Bloom (Tommy Joubert). Les deux hommes réalisent qu’en présentant un spectacle qui serait un flop, ils pourraient arnaquer les assurances et ainsi s’enrichir. Ils décident donc de mettre en scène la plus mauvaise comédie musicale de tous les temps. Malgré tout, ce sera un triomphe et les producteurs devront payer le prix de leur stratagème frauduleux.
En grande forme, Postigo, 55 ans, chante, danse et multiplie les pitreries, en se faisant gigolo auprès de vielles dames riches de New York. Une performance époustouflante!
À ses côtés, Tommy Joubert est la révélation de la soirée! Ce dernier qui s’est distingué, récemment, dans les spectacles musicaux Rock of Ages et La famille Addams fait maintenant sensation dans la peau d’un comptable introverti. Hilarant, ce dernier prend progressivement de l’assurance, allant jusqu’à oser un numéro de danse à claquettes.
Il faut dire que notre homme découvre l’amour en rencontrant Ulla, une jeune actrice suédoise qui débarque dans le bureau des producteurs pour passer une audition. La Française Marianne Orlowski est à l’aise comme un poisson dans l’eau dans ce rôle de jeune actrice ingénue qu’elle a d’ailleurs incarnée dans la version française des Producteurs, aux côtés de Postigo. Chant, danse, comédie… tout réussit à madame Orlowski!
Hitler chez les gais
Dans le but de s’assurer que leur spectacle sera un fiasco, les producteurs choisissent le texte d’un ancien nazi (Thiéry Dubé) qui rend hommage à Hitler. Le metteur en scène (Benoît Finley) est un homosexuel auto-caricatural et sans talent, dont le conjoint (Jean Luke Côté) se prénomme Carmen.
Ces personnages qu’on croirait sortis de La Cage aux folles semblent toutefois dépassés aujourd’hui et ne font plus rire autant qu’à l’époque de la parution de ce mémorable film franco-italien, en 1978. Quant aux faux nazis qui défilent, ils s’avèrent ennuyeux la plupart du temps. On constate rapidement que le fait de braver les susceptibilités de notre époque, en navigant dans l’anti-politiquement correct, ne suffit pas à créer un bon spectacle.
La musique de Mel Brooks qui rappelle parfois la lointaine époque du french cancan, devient plutôt ringarde, dans cette longue comédie de plus de 2 heures 40, incluant un entracte. Cinq musiciens exécutent cette partition rythmée, avec un professionnalisme sans faille, sous la direction de Guillaume St-Laurent. Quant aux chorégraphies plutôt convenues de Steve Bolton, elles sont efficaces et interprétées avec précision.
D’ailleurs, l’ensemble du spectacle était déjà bien rodé en ce soir de première. De nombreux sièges sont toutefois restés vide, sans doute à cause de la météo hivernale de ce 4 avril.
En plus de brûler les planches, Serge Postigo signe la mise en scène dynamique de ce spectacle d’envergure qu’il a su adapter au public québécois. Avec ses références à Mike Ward et aux rues en piteux état qui entourent le théâtre St-Denis, Postigo déclenche des rires en ajoutant une connotation montréalaise à cette histoire rocambolesque qui se déroule à New York.
Malgré quelques bémols, le spectacle Les producteurs a le mérite de nous rappeler joyeusement qu’il ne faut pas tout prendre au premier degré!
Les producteurs
Adaptation de la comédie musicale The Producers de Mel Brooks
Traduction, adaptation et mise en scène de Serge Postigo
Avec: Serge Postigo, Tommy Joubert, Benoît Finley, Thiéry Dubé, Jean-Luke Côté et Marianne Orlowski
À Montréal, au Théâtre St-Denis, jusqu’au 15 avril 2024
À Québec, au Théâtre Capitole, du 27 juin au 14 juillet 2024
Pour voir toutes les dates des représentations, c’est ici
Présenté par Gestev, en accord avec Music Theatre International New York