Pari réussi pour André Robitaille et ses Voisins. Texte, équipe, mise en scène : cette sainte trinité rend un bel hommage à une pièce qui occupe toute une place dans l’histoire théâtrale du Québec.
Elles sont quelques pièces comme celle-ci, à faire partie de la vie des Québécois et Québécoises. Et on sentait bien que le public était déjà sous le charme. Un accueil vivifiant et chaleureux lors de cette première, qui promettait une ambiance joviale des plus appréciables. Pour preuve ? L’accolade entre voisins et voisines de sièges, suggérée par le metteur en scène André Robitaille lors de son discours de présentation. Tout le monde a répondu présent, le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Il a le tour cet André…
L’affaire, il l’a aussi dans cette reprise. Lui, si fier et intimidé à la fois devant la qualité du texte, a mis en valeur les mots, mais surtout les silences, tout en ajoutant sa touche subtile, discrète. Que ce soit par des effets sonores ou de lumière, André Robitaille a amplifié ces quelques moments, qui pour lui, apportent une vision plus dramatique que dans le souvenir de la plupart d’entre nous : la haie de Bernard (Guy Jodoin) sa raison de vivre, la dépression de Laurette (inénarrable Brigitte Lafleur), le sentiment de vide de l’existence kitsch de ces matantes et mononcles, à la fois attachant.e.s et parfois détestables.
Néanmoins, Les Voisins restent une pièce comique avec un grand C. Toute la difficulté réside dans ces blancs, ces silences, ces faque c’est ça qui est ça, qu’il faut continuer de meubler, pour ne jamais perdre l’attention d’un public, certes vendu, mais exigeant. C’est là que le choix des comédiens et comédiennes rentre en ligne de compte. Toutes et tous ont revêtu les culottes et perruques de leurs personnages avec une aisance et un plaisir partagé. Les entrées de Jeanine (Marie-Chantal Perron) et de Junior (Pier-Luc Funk), après sa métamorphose bouclée, marquent les esprits. Mais dans l’ensemble, cette équipe impressionne par son homogénéité. Pas dans le sens plate du terme, plus dans le sens respect. Pas de mise en avant exagérée, pas de show-off, pas de couverture tirée à soi… c’était aussi l’une des volontés du metteur en scène : en dépit des immenses qualités individuelles de chacun et chacune, la musique se joue en groupe.
Les rires sont légion dans les mimiques, les costumes et les mimiques affolantes des années 80. On suit cette vie de banlieue, au travers des échanges insignifiants et malaisants des personnages. L’histoire – si vous ne la connaissez pas – passe par la vacuité de ces femmes et de ces hommes, davantage préoccupé.e.s par le match entre le sofa et la chemise de Monsieur, que par toute autre considération. Si la première partie présente les protagonistes aussi bien dans leurs attitudes que dans leur caractère, la deuxième partie – invitation chez Bernard et Jeanine – laisse place à des interactions toujours cocasses, mais davantage axées sur la jeunesse en la personne de Junior (Pier-Luc Funk) et Suzy (Catherine Brunet).
Il est bon aussi d’aller au-delà du vide – appellation souvent associée à la pièce. Plus que jamais, les propos machistes, la place de la femme dans la société, l’outrecuidance masculine, la surconsommation, cette frivolité égoïste ou ce jemenfoutisme… nous rappelle que les mentalités pas si lointaines ont pu évoluer, mais que d’autres sont plus coriaces…
Une mention spéciale aux décors et autres éléments de scénographie, qui ont su illustrer ce quotidien passé, sans l’alourdir.
C’était l’un des défis d’André Robitaille : ne pas essayer de combler les « vides » de la pièce par trop d’artifices. Avec le succès bien senti depuis l’an dernier de la pièce, et cette première parfaite au Théâtre Maisonneuve, on se dit qu’il peut respirer : Claude Meunier et Louis Saïa, créateurs, doivent être ben contents.
Crédit photo : Martin Ouellette
Durée de la pièce : 2h10, avec entracte
Les Voisins sera de retour au Théâtre Maisonneuve de la Place de Arts, les 15 et 16 janvier 2021.
Comédie de : Louis Saia et Claude Meunier
Mise en scène : André Robitaille
Mettant en vedette : Guy Jodoin, Marie-Chantal Perron, Jean-Michel Anctil, Brigitte Lafleur, Rémi-Pierre Paquin, Marilyse Bourke, Pier-Luc Funk et Catherine Brunet.






























































