Il y a un je-ne-sais-quoi de terriblement attachant chez Lewis Capaldi, cet auteur-compositeur-interprète écossais de 26 ans. Étonnamment, il se présente sur scène bardé d’un attirail d’ouvrier, baskets aux pieds sur chaussettes blanches, pantalons trop courts, long T-shirt blanc et vieille veste brune tachée de peinture, en surpoids, à mille lieux du swag et de l’idée que véhicule le showbiz, paillettes, flaflas et compagnie : Capaldi est unique.
Quand à 21 heures pile, ce multi-lauréat de prix (Brit Award, Grammy, etc.) ouvre le bal avec les premières notes de Forget Me, la foule d’adolescents.es, de jeunes adultes et même d’enfants, debout tassée comme des sardines au parterre et festive dans les estrades à la Place Bell à Laval, rugit d’extase. Faut dire qu’il n’a pas foulé les planches au Québec depuis 4 ans lorsqu’il avait été invité dans le cadre du festival de musique Osheaga.
Une place au soleil
Le créateur des tubes internationaux comme Someone You Loved et Before You Go, s’exprimera pendant une heure et 12 minutes sur une scène totalement dépouillée. Hormis un diaporama multicolore et ses quatre musiciens juchés sur une plateforme loin derrière lui, Capaldi est bien seul avec son petit bonheur, un microphone central dans ce vaste espace prêt à diffuser des grands moments de joie à un public sur sa faim. Chose étrange pour la jeunesse qu’il incarne, jamais son image en direct ne sera diffusée sur grand écran …
Ce fils de poissonnier s’est coltaillé une place plus qu’enviable dans l’univers musical pop, rock doux et folk depuis 2017 avec Bruises d’abord. Avec sa voix puissante, à tessiture grave, tantôt avec ces brisures vocales qui donnent une couleur sonore à la douleur, il parvient habilement à lancer cette ligne droite au coeur qui devient un cri nostalgique à saveur de détresse.
La douleur d’aimer
Sa thématique tourne autour de la difficulté d’aimer, de la toxicité des relations, des déceptions répétées de l’amour, du rejet et de la survie espérée suite aux crashs qui surviennent inopinément dans les amours. Capaldi raconte cette tristesse des amours impossibles, réalités douloureuses qu’il a su traduire avec véracité en mots dans ses chansons.
It ain’t no wonder why we lose control
When we’re always a heart attack away from falling in love
La lutte
Tout au long de cet exercice sur scène, Capaldi, le battant, lutte et nous luttons tous avec lui avec ses tics et ses gestes incontrôlés du syndrome de la Tourette qui s’est inexorablement logé en lui. Le capital de sympathie dont il bénéficie dans la salle n’a d’égal que le courage qu’il a d’être là.
Ses prestations sont ponctuées d’apartés en direction du public alors qu’il chante et d’interactions humoristiques, parfois crues, assurément spontanée. Il fera monter sur scène une jeune femme avec qui il prendra un autoportrait avec le stade rempli de cellulaires allumés derrière eux : un souvenir heureux et généreux pour elle.
Tandis qu’il promet de parler français durant tout son spectacle, il nous énumère avec un immense clin d’oeil plusieurs phrases de son répertoire français: « Bonjour », « Je m’appelle Lewis Capaldi », « J’habite en Écosse », « Je suis désolé », « Je suis gros », « Voulez-vous coucher avec moi ce soir » !
Puis, hier soir, il semblait tousser sa vie avec des quintes répétées à tout moment. Était-ce pour cela que la pause qu’il prend entre les 13 chansons semble parfois longue. Résilient, il a poursuivi son chemin comme si de rien n’était mettant au-devant cette voix exceptionnelle et laissant souvent le public chanté ses paroles.
Quelle que soit la chanson de Capaldi, Wish You the Best, Pointless, Hold Me While You Wait, chacune est un ver d’oreille familier souvent entendu sur les réseaux sociaux ou à la radio. En mai prochain, il sortira un nouvel album avec Broken by Desire to be Heavenly Sent. Avec un titre aussi prometteur, gageons que la clameur du public n’est pas près de s’éteindre.