Le retour de Marie-Nicole Lemieux – Baudelaire en paroles et en musique est en quelque sorte un rêve qui se réalise pour de nombreux mélomanes qui avaient raté ce concert, lors de sa création au Théâtre Outremont, en 2016. L’Invitation au voyage a d’ailleurs attiré une imposante foule à la Salle Bourgie, malgré la pluie torrentielle de ce 1er octobre. Ce récital construit à partir de poèmes de Charles Baudelaire est mis en scène par Raymond Cloutier qui y joue avec brio le rôle de l’auteur des Fleurs du mal. Le comédien sait faire siens les textes du poète. «Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille» (Recueillement), lance-t-il, avec une diction et une intensité remarquables !
Baudelaire nous parle depuis son époque (19e siècle) et Marie-Nicole en entend les échos, puis elle entonne un frissonnant Chant d’automne, Les Hiboux, La Mort des amants, La Vie antérieure, etc. Quelle puissance vocale et quelle sens de la nuance ! La contralto de Dolbeau-Mistassini se laisse porter par les mots, le regard tendu vers l’infini, là où «tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté». Au coeur de cette beauté, il y a aussi, bien sûr, la musique de Chausson, Debussy, Fauré et Duparc, notamment. Le pianiste Daniel Blumenthal fait entendre le riche discours de ces compositeurs, sans empiéter sur la voix.
Loin de briser le rythme du spectacle, les interventions de Cloutier sont aussi très senties. «Enfin ! seul ! On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même» (À une heure du matin). Cela dit, même si le poète et la chanteuse sont situés à des époques différentes, on souhaiterait un peu plus de complicité dans leurs regards; après tout, il s’agit, ici, d’une communion artistique. Il n’en reste pas moins que, par leur complémentarité, ces artistes convient à la fois, les amoureux de l’art lyrique, de la littérature et du théâtre. Ce fascinant rendez-vous de 75 minutes n’a rien de didactique et nous plonge dans l’univers d’un poète qui continue de nous hanter : «Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve» (Enivrez-vous). Ce trio rêvé part d’ailleurs en tournée au Québec.
L’Invitation au voyage
Poèmes de Baudelaire sur des musiques de : Charpentier, Fauré, Chausson, Debussy, Duparc et Léo Ferré
Avec:
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Daniel Blumenthal, pianiste
Raymond Cloutier, comédien
À la Salle Bourgie, les 1er et 3 octobre
Puis, en tournée au Québec jusqu’au 20 octobre