Il est souvent révélateur d’assister à un spectacle en fin de tournée, pour voir si on s’est contenté de servir la même recette, ou si on a développé de nouvelles saveurs. Or, tout indique que «La science du coeur», louangé lors de sa première montréalaise en 2017, s’est transformé à certains points de vue, au grand plaisir des fans qui remplissaient le Théâtre Outremont, mercredi soir, malgré la tempête et les bancs de neige dans les rues !
Bien sûr, à la base, on retrouve les magnifiques chansons de «La science du coeur» («Album de l’année – adulte contemporain», au dernier Gala de l’ADISQ). Après avoir ouvert le bal avec «Il est honteux d’être humain», Lapointe, espiègle, lance une mise en garde aux spectateurs déprimés, laissant entendre que les thèmes abordés au cours du concert pourraient aggraver leur cas. «Vous n’êtes pas à un spectacle de la Compagnie créole», renchérit-il. Jouant à fond la carte de l’auto-dérision, il présente «Le retour d’un amour» en racontant l’histoire pathétique d’un ami qui pourrait bien être l’auteur de «La forêt des mal aimés».

On a aussi conservé le magnifique dispositif ovale de bâtons de lumière (plus long derrière et plus courts devant) qui changent de couleurs et créent des ambiances différentes en fonction de la musique. Mais, avec ou sans éclairages raffinés, le chanteur, très en voix, sait émouvoir, même seul au piano comme pour «Je déteste ma vie.» Parfaitement à l’aise avec les ingénieux arrangements pour piano et marimba de David François Moreau, celui qu’on surnomme «Le grand Pierre» nous donne parfois l’impression de naviguer non loin de certaines musiques de Philip Glass ou Steve Reich. En plus du remarquable marimbiste João Catalão, Lapointe peut compter sur l’éblouissant pianiste de formation classique Philippe Chiu qui s’est joint à l’équipe en cours de route. Fort d’une évidente complicité avec ce dernier, l’interprète se risque à livrer deux immortelles de Kurt Weill, au rappel: «Bilbao» et «Youkali» qui, elle, n’aurait encore jamais été chantée par un homme. Audacieux et réussi! Décidément, «Le grand Pierre» a encore grandi en explorant «La science du coeur».
Pierre Lapointe
La science du coeur
Au Théâtre Outremont, le 23 janvier 2019






























































